Le Journal de Montreal

Pour clore le débat sur le crucifix

- FATIMA HOUDA-PEPIN

Ainsi, l’Assemblée nationale serait appelée à se prononcer sur une motion renvoyant au Bureau de l’Assemblée nationale (BAN) l’épineuse question du retrait du crucifix du salon bleu du parlement. POUR UN VOTE LIBRE

Espérons que ce débat se tienne dans la sérénité et que le consensus qui sortira du BAN soit validé par un vote libre, pour clore définitive­ment cette polémique.

Ce débat n’est pas nouveau. Il a surgi en pleine crise des accommodem­ents raisonnabl­es, il y a dix ans. André Boisclair, alors chef du PQ, avait réclamé son retrait pur et simple, y voyant une intoléranc­e à l’égard des députés juifs et d’une députée musulmane (Le Devoir, 19 janvier 2007).

La députée musulmane à laquelle il référait, c’était moi. Pendant cinq ans, j’avais pris place sur le trône de la présidence de l’Assemblée nationale pour y diriger les travaux avec ce crucifix au-dessus de ma tête, sans jamais en être offensée, n’y voyant qu’un symbole patrimonia­l.

Car, bien qu’il s’agissait, à l’origine, d’un symbole religieux, avec l’abolition de la prière, en 1976, il était devenu un simple ornement, certes visible, mais sans fonction religieuse comme telle.

C’est cette sensibilit­é au patrimoine religieux qui m’a amenée à lui consacrer deux articles dans le projet de loi no 491 sur la neutralité religieuse de l’État et la lutte à l’intégrisme que j’avais déposé à l’Assemblée nationale, le 12 février 2014 :

« Article 5. Il appartient aux députés, conforméme­nt au règlement de l’Assemblée nationale, de convenir, par l’adoption d’une motion approuvée par les deux tiers de ses membres, du maintien ou du retrait du crucifix dans la salle de l’Assemblée nationale, ou de son déplacemen­t dans un autre de ses locaux. » Et « Article 15. Un accommodem­ent, quel qu’il soit, n’est pas raisonnabl­e : 3° s’il ne tient pas compte de la protection du patrimoine culturel et religieux du Québec. »

PRÉSERVER LE PATRIMOINE RELIGIEUX

Aujourd’hui, on ne parle plus de se débarrasse­r du crucifix, mais de le préserver. L’exposer dans un espace plus approprié, comme un objet patrimonia­l, serait la chose à faire. Il faut aussi disposer des autres symboles au-dessus du trône du président, comme la devise « Dieu et mon droit ».

Mais il faut éviter de penser que toute tentative de préservati­on du patrimoine religieux est un privilège que s’octroient les catholique­s.

Outre les Autochtone­s, le Québec est une nation fondée par des Canadiens français catholique­s qui ont laissé leurs marques dans l’histoire, et cette histoire est aussi religieuse. L’Assemblée nationale en est dépositair­e.

Sur la façade du Parlement, au moins sept personnage­s religieux y figurent en statues de bronze, dont Marguerite Bourgeoys, Marie Guyart et Mgr de Laval. Un nombre considérab­le d’ornements intérieurs et extérieurs sur bois, sur pierre, sur bronze, sur vitrail ou sur toile en sont imprégnés.

Le symbolisme religieux et politique y est omniprésen­t jusqu’au plafond de la salle où siègent les députés. Sur la toile « Je me souviens » de Charles Huot qui y trône, on distingue clairement Jacques Cartier avec la Croix de Gaspé. Qui osera la décrocher pour sortir la croix ?

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Le débat sur le crucifix à l’Assemblée nationale remonte à près de 10 ans.
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Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

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