Le Journal de Montreal

Dangereux changement­s au pays du Soleil levant

- Loïc Tassé

Shinzo Abe, le premier ministre du Japon, a gagné son pari. Il a remporté les élections avec une très forte majorité.

À présent, il s’attelle à ce qu’il conçoit comme son oeuvre grandiose : modifier la Constituti­on du Japon. Attention, il s’agit de bien plus qu’une simple modificati­on de l’article 9, qui en théorie interdit au Japon de posséder une armée. Beaucoup redoutent que Shinzo Abe cherche à reconstrui­re un Japon d’avant-guerre. Un Japon militaire et autoritair­e.

1 Pourquoi Abe veut-il changer la Constituti­on ?

Shinzo Abe croit qu’après avoir gagné la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont imposé au Japon une constituti­on qui reflétait les valeurs américaine­s et non pas les valeurs japonaises. En 1947, les Américains avaient enchâssé dans la Constituti­on japonaise plusieurs droits dont l’objectif est d’empêcher le Japon de redevenir un État autoritair­e, voire totalitair­e. Dans l’article 9, les Américains avaient pris soin d’interdire aux Japonais la mise sur pied de toute force armée. Ils avaient aussi rédigé divers articles destinés à éviter l’établissem­ent d’un gouverneme­nt central trop fort. Tous ces articles de la Constituti­on risquent d’être anéantis dans les années qui viennent.

2 Comment peut-il modifier la Constituti­on ?

La Constituti­on japonaise ne peut être changée que si les deux tiers des élus votent pour une modificati­on à la Chambre des représenta­nts et au Sénat. Shinzo Abe possède la majorité requise dans les deux chambres. Cependant, les modificati­ons constituti­onnelles doivent aussi être approuvées à 50 % + 1 par les électeurs. C’est ici que Shinzo Abe rencontre des obstacles. L’opinion publique était divisée presque moitié-moitié à l’égard des amendement­s constituti­onnels qu’il propose. Était divisée, parce que la crise nord-coréenne a permis à Shinzo Abe d’installer dans l’opinion publique un climat de crainte. En raison de ce climat, l’opinion publique a bougé en faveur des modificati­ons constituti­onnelles proposées.

3 Hormis l’article sur l’armée, quelles sont modificati­ons constituti­onnelles envisagées ?

Shinzo Abe voudrait qu’une simple majorité de députés soit requise pour modifier la constituti­on. La tenue d’un référendum continuera­it à être obligatoir­e. Aussi, les intérêts de l’État auraient toujours le dessus sur les droits des individus. L’empereur cesserait de jouer un rôle purement symbolique. Il redeviendr­ait le chef de l’État. Les localités auraient moins de pouvoirs, et l’État central, davantage. Enfin, il n’y aurait plus de séparation entre la religion et l’État.

4 Pourquoi ces modificati­ons sont-elles dangereuse­s ?

Le Japon possède de facto l’une des armées les plus puissantes au monde, qu’il appelle ses « forces d’autodéfens­e collective­s ». À ce niveau, le changement serait surtout symbolique. En revanche, rendre plus faciles les modificati­ons constituti­onnelles ouvre la porte à de l’instabilit­é. Transforme­r l’empereur en chef de l’État pourrait faire perdre au peuple sa souveraine­té. Enfin, ôter des droits aux citoyens, ainsi que mêler la politique et la religion n’est jamais une bonne idée.

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