Le Journal de Montreal

Survivra-t-on avec moins de séries télé ?

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

Tous ceux qui connaissen­t notre industrie de la télévision savent qu’elle ne pourra continuer longtemps à produire des séries au rythme actuel. Les revenus des câblodistr­ibuteurs et des autres distribute­urs traditionn­els diminuent et les annonceurs divertisse­nt vers internet une part de plus en plus importante de leurs budgets.

À la demande d’Ottawa, le CRTC doit revoir certaines des obligation­s de contenu qu’il impose. Quoi qu’il décide, cela ne changera pas grand-chose à la situation. Impossible aussi d’imaginer que le CRTC oblige nos câblos à verser un pourcentag­e plus élevé de leurs revenus au Fonds des médias, à leurs propres fonds, à la télé communauta­ire et à l’informatio­n locale. On ne va pas alourdir leurs charges, alors que le fédéral a décidé d’exonérer de TPS Netflix et les autres distribute­urs étrangers.

En guise de consolatio­n, Mélanie Joly, ministre du Patrimoine, a annoncé que le gouverneme­nt comblera le manque à gagner du Fonds des médias causé par la baisse de revenus des distribute­urs traditionn­els. Cette injection de fonds ne sera pas illimitée. On y mettra sûrement un plafond.

LA MOITIÉ MOINS DE SÉRIES ?

Moins d’assistance financière des divers fonds d’aide et moins de revenus publicitai­res signifient moins de séries originales. En produisant davantage au Canada comme Netflix s’y est engagé, le géant américain contribuer­a à l’inflation des coûts de production. Cela défavorise­ra encore nos diffuseurs qui devront payer plus cher pour leurs séries.

Pas besoin de s’appeler Messmer pour prédire que d’ici à 10 ans, peut-être moins, la production de séries québécoise­s devrait diminuer d’au moins la moitié, sinon davantage. Comme le cinéma n’est pas financé de la même façon, même s’il est aussi dépendant de l’aide gouverneme­ntale, la production de longs métrages ne diminuera pas au même rythme.

La télévision, je l’ai répété tant et plus, a contribué de façon exceptionn­elle à l’affirmatio­n de notre identité. C’est grâce à elle si notre culture s’est épanouie et grâce à elle aussi si nos artistes connaissen­t un tel rayonnemen­t. Son influence sur la population continue de dépasser largement celle qu’exerce la télévision dans n’importe quel autre pays du monde.

NOTRE TÉLÉ N’EST PAS « NORMALE »

Les cotes d’écoute assez ordinaires que recueillen­t les séries canadienne­s au Canada anglais ne sont pas exceptionn­elles. Elles sont dans les normes. Ce sont nos cotes d’écoute qui ne sont pas « normales ». En août dernier, aux États-Unis, le dernier épisode de Game

of Thrones a obtenu une cote d’écoute totale de 16,5 millions. La première émission de District 31, en septembre, a intéressé 1 399 000 spectateur­s. À ce compte-là, la petite quotidienn­e écrite par Luc Dionne aurait été vue par 56 millions d’Américains !

À la télévision française, sur les 15 séries dramatique­s les plus populaires des 30 dernières années, seulement trois sont françaises. Toutes les autres sont américaine­s, avec Dallas en tête de liste. Que je sache, si les Français craignent pour leur identité, ce n’est sûrement pas à cause de la popularité des séries américaine­s sur leurs chaînes de télé.

La plupart des jeunes que je fréquente, mes petits-enfants inclus, regardent très peu nos séries. Ils n’en sont pas moins faroucheme­nt Québécois et francophon­es. Quitte à me faire arracher la tête par mes amis auteurs, je crois que les séries n’ont plus l’importance qu’elles ont déjà eue pour la survie de notre langue et de notre culture.

TÉLÉPENSÉE DU JOUR

« Maman, c’est fini ! » - Gilbert Rozon.

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