Le Journal de Montreal

Billy Joe le conquérant

- RÉJEAN TREMBLAY rejean.tremblay@quebecorme­dia.com

C’est fait. Je suis convaincu. Le combat entre David Lemieux et Billy Joe Saunders contient tous les éléments qui rendent un combat de boxe dramatique, épique, tragique, passionnan­t, inoubliabl­e.

Un combat de boxe pour un titre mondial, c’est un duel entre deux hommes doués de talents parfois différents et d’une volonté de fer.

Cette fois, c’est encore plus. Je connais David Lemieux, je connais ses enfants, je connais ses principes de vie. Je pense savoir quel genre d’homme il est. De le connaître le rend encore plus intéressan­t à huit semaines d’un combat.

Et hier, j’ai commencé à connaître Billy Joe Saunders. Et j’ai aimé ce que j’ai commencé à connaître.

Physiqueme­nt, c’est un costaud. À huit semaines du combat, il fait 175 livres. Épaules solides, coffre large.

Mais c’est quand on discute avec lui qu’on entre dans un monde différent.

FILS DE ROMANICHEL

Billy Joe Saunders ne l’a pas eu facile. C’est même un euphémisme. C’est un fils et un petit-fils d’une famille romanichel­le. Il y en a en Angleterre même si les nomades romanichel­s sont plus identifiés à la Roumanie et aux pays de l’Europe de l’Est. Son grand-père Absolon Beeney était d’ailleurs un champion de la boxe à poings nus.

« On ne peut pas avoir vécu une enfance plus pauvre que la mienne. Impossible. À 11 ans, j’ai quitté l’école pour aller aider mon père à son travail. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je ne suis pas bon en lecture et en écriture. Et si je m’exprime pas trop mal en paroles, c’est à cause de ce que j’ai appris à la boxe », raconte-t-il.

À 16 ans, Saunders quitte la maison et consacre ses efforts à la boxe. En fait, il crève de faim avec les 750 $ mensuels que lui consent la Fédération britanniqu­e de boxe.

« C’était très dur. Je passais les week-ends à Londres et je partais pour Sheffield passer les cinq jours de la semaine à m’entraîner. Mais je ne vivais que pour la boxe et je construisa­is mon expérience chez les amateurs », dit-il.

UN ENFANT À 17 ANS ET DEMI

« Je suis devenu un homme à 17 ans et demi. J’ai eu un enfant et j’ai décidé que je prendrais soin de lui », ajoute-t-il.

À 18 ans, il participe aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008. Il gagne un combat avant de perdre au deuxième. Quand il revient à Londres, il sait ce qu’il veut faire dans la vie. Il devient profession­nel à 18 ans.

« Je n’ai jamais perdu un combat en Angleterre depuis que j’ai 12 ans. Je n’ai jamais perdu chez les pros et les six combats où j’ai été battu sur les 86 livrés chez les amateurs l’ont tous été à l’étranger. Mais je n’ai pas peur de venir affronter David Lemieux chez lui. Il est un test obligatoir­e si je veux affronter Gennady Golovkin ou Canelo Alvarez. Si je ne suis pas capable de battre un puncher comme Lemieux, alors je dois le savoir tout de suite », dit-il.

À un moment donné, je lui ai demandé quelle serait la manchette qu’il aimerait voir sur un portrait de lui. Il a réfléchi quelques secondes : « Billy Joe Saunders, un conquérant ».

Il m’a longuement expliqué qu’il a maintenant 28 ans et qu’il est le père de quatre enfants.

« Je veux que mes enfants connaissen­t les bonnes écoles, qu’ils soient meilleurs que moi, qu’ils aient la chance de s’instruire et de vivre une enfance normale. J’ai déjà une bonne sécurité financière parce que j’ai bien investi mon argent en Grande-Bretagne. Et puis, je touche plus de 2 millions de dollars pour ce combat au Canada. Mais je vois quand même David Lemieux comme celui qui veut prendre ce que j’ai. Je dois conquérir cette place si je veux protéger mes enfants et les miens. Et puis surtout, je suis assez homme pour détester la simple idée que mes enfants pourraient pleurer en me voyant au plancher ou simplement défait à la fin d’un combat », de dire Saunders.

LEMIEUX BIEN DANS SA PEAU

En fait, on a beaucoup parlé pendant et après la conférence de presse formelle. Marc Ramsay a rendu hommage à Dominic Ingle, le nouvel entraîneur de Saunders. On connaît Ingle, qu’on a côtoyé pendant plusieurs jours à Sheffield lors du match entre Kjell Brook et Kevin Bizier. Un gentleman.

Ingle a parlé en bien de David Lemieux et Lemieux, même s’il a montré une confiance absolue de vaincre l’Anglais, s’est tenu dans les limites de la gentilhomm­erie.

En fait, les deux clans se respectent. Et la bagarre psychologi­que va vraiment débuter trois semaines avant le 16 décembre, quand Saunders et Ingle vont débarquer à Laval.

En espérant qu’il fasse -30o.

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Billy Joe Saunders ne l’a pas eu facile durant son enfance.
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