Un sursis pour le dernier bunker des Hells Angels
La Cour d’appel décidera si les motards de Sherbrooke perdront leur repaire
Les Hells Angels éviteront l’affront de voir leur dernier bunker québécois tomber sous le pic des démolisseurs alors qu’ils se préparent à célébrer le 40e anniversaire de l’organisation au pays.
À la demande des motards, la Cour d’appel du Québec prendra le temps de réévaluer le sort du repaire des Hells de Sherbrooke, passé aux mains du gouvernement il y a deux mois à la suite d’une ordonnance de la Cour supérieure, a appris Le Journal.
La confiscation du bunker soulève des questions d’intérêt « à l’égard desquelles la Cour [d’appel] ne s’est jamais prononcée » auparavant, a écrit le juge François Doyon, fin octobre.
BIEN INFRACTIONNEL
Trois magistrats de la Cour d’appel seront nommés pour aller au fond du litige. On ne s’attend toutefois pas à ce que le plus haut tribunal de la province puisse trancher le débat avant plusieurs mois, voire un an.
L’État doit ainsi mettre sur la glace son plan de démolir le bunker, comme il avait aussi fait raser les anciens quartiers généraux des Hells à Trois-Rivières et à Saint-Nicolas, près de Québec, après leur saisie définitive.
La Cour supérieure avait conclu que les Hells sherbrookois ont utilisé leur forteresse au toit rouge pour faciliter leurs activités criminelles durant leur guerre meurtrière contre les Rock Machine, entre 1994 et 2002.
La juge Carol Cohen estimait que le repaire, dont l’évaluation municipale s’élève à 424 000 $, constituait un bien infractionnel en vertu de la loi, et ce, de façon « flagrante ».
SYMBOLE EN SURSIS
Le sursis engendré par l’intervention de la Cour d’appel tombe pile pour les Hells québécois, qui devraient recevoir la visite de nombreux comparses d’un peu partout au pays, au début du mois prochain, lors du 40e anniversaire de fondation de leur « chapitre-mère », soit celui de Montréal.
Le 5 décembre 1977, les Popeyes, un gang de motards québécois dirigé par Yves « Boss » Buteau, formaient le tout premier chapitre canadien des Hells Angels.
La perte d’un symbole de leur puissance, comme leur local de Sherbrooke – lieu de la « tuerie de Lennoxville », l’une des pires purges internes dans l’histoire du crime organisé au Canada –, aurait sans doute jeté de l’ombre sur les festivités.
CHAPITRE RELANCÉ ?
Il n’est pas exclu que les Hells profitent d’ailleurs de ce party pour relancer leur chapitre sherbrookois, qui fêtera alors ses 33 ans de fondation.
Contrairement aux quatre autres sections québécoises du gang, celle des Cantons-de-l’Est est officiellement inactive depuis l’opération SharQc qui a mené à l’arrestation de 156 membres et associés des Hells en 2009.
Longtemps considéré comme le plus prospère des Hells au Québec, le chapitre de Sherbrooke est inactif même si une quinzaine de ses membres sont libres.
Selon certaines sources, il pourrait s’agir d’une pénitence de l’organisation parce que le délateur à l’origine de l’Opération SharQc, Sylvain Boulanger, était issu de ce chapitre et qu’il en a révélé les secrets aux policiers en échange de 3 M$.