Trudeau aurait manqué de jugement
Le premier ministre estime que Bronfman n’a rien à se reprocher face à ses manoeuvres dans les paradis fiscaux
OTTAWA | Justin Trudeau a manqué de jugement en déclarant sans reproche son ami Stephen Bronfman avant que la lumière soit faite sur son rôle dans un stratagème pour cacher des millions dans un paradis fiscal, dénoncent l’opposition et des experts.
« Je pense que le premier ministre aurait dû attendre de voir s’il va y avoir des accusations et des enquêtes. Je pense que c’est un grand manque de jugement », a déclaré le bloquiste Gabriel Ste-Marie, hier.
Plus tôt dans la journée, en conférence de presse au Vietnam, Justin Trudeau a passé l’éponge sur les allégations liant M. Bronfman au scandale des Paradise Papers.
Le premier ministre a affirmé avoir « reçu des assurances » que « tout était conforme » et on est « satisfaits de ces assurances », a-t-il plaidé au sujet des activités offshore de M. Bronfman, le grand architecte du financement au Parti libéral du Canada.
INCOHÉRENCE
Les propos du premier ministre tranchent avec ceux de la ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier. Elle plaide que la loi lui interdit de commenter le cas particulier de M. Bronfman. Or, elle ajoute que les révélations des Paradise Papers serviront éventuellement aux enquêteurs de l’Agence du revenu du Canada (ARC).
L’opposition a vite relevé cette incohérence dans le message libéral.
« Si, pour le premier ministre, il n’y a pas de problème à parler de Stephen Bronfman, la ministre du Revenu national peut-elle prendre le téléphone, appeler le premier ministre et lui dire qu’il se mêle de ses affaires, parce que cet homme pourrait faire l’objet d’une enquête actuellement ? » a pesté le conservateur Gérard Deltell.
« Le premier ministre réalise-t-il à quel point cela est irresponsable et imprudent d’affirmer l’innocence de Stephen Bronfman unilatéralement ? » a renchéri Candice Bergan.
La ministre Lebouthillier a refusé de dire si M. Bronfman faisait l’objet de vérifications.
ENQUÊTES
La spécialiste en fiscalité Marwah Risqy croit elle aussi que M. Trudeau aurait dû « s’abstenir de tout commentaire », dans les circonstances.
« La personne la plus importante en autorité au pays vient de dire que, selon lui, la situation de M. Brofman est conforme. Est-ce qu’il s’agit d’un message aux enquêteurs de l’ARC? » se questionne-t-elle.
Le conservateur Alain Rayes se demande lui aussi si « l’intervention politique du premier ministre au nom de son ami proche est un signal clair aux enquêteurs qu’il y a une règle pour les libéraux et une autre règle pour tous les Canadiens qui paient de l’impôt ».
Selon une fuite de documents obtenus par le Consortium international des journalistes d’investigation (CIJI), Stephen Bronfman se serait associé à l’ex-sénateur libéral Leo Kolber pour mettre sur pied différents stratagèmes afin de cacher 60 millions $ US dans les paradis fiscaux.