Le Journal de Montreal

La suspension de cette loi débattue devant la justice

- VALÉRIE GONTHIER

Obliger les femmes musulmanes à dévoiler leur visage afin de recevoir des services publics représente un « réel tort » pour elles, a plaidé une avocate qui demande la suspension de la loi 62 sur la neutralité religieuse.

« Les individus ne laissent pas leur religion à la porte lorsqu’ils reçoivent un service public », a exposé Me Catherine McKenzie, qui représente, entre autres, le Conseil national des musulmans canadiens.

Selon elle, la loi, qui prévoit notamment que les services gouverneme­ntaux doivent être donnés et reçus à visage découvert, est une atteinte au principe d’égalité et à la liberté de religion. Elle a ainsi demandé au juge de la Cour supérieure Babak Barin de suspendre cette loi, au moins jusqu’à ce que son fondement soit débattu ou que des accommodem­ents soient mis en place.

« TERRORISÉE »

La requête a été déposée la semaine dernière, après qu’une musulmane a dit se sentir « terrorisée » d’aller voter aux élections municipale­s. Elle craignait d’avoir à garder son visage découvert, avait-elle confié au Journal. Finalement, elle n’a eu qu’à le faire brièvement pour s’identifier, ce qu’elle est habituée à faire.

Comme elle, certaines femmes qui portent le voile ont peur désormais d’utiliser des services publics, comme prendre l’autobus, aller chez le médecin ou à l’école, « par crainte d’être humiliées », a dit Me McKenzie.

Cela oblige ces femmes à faire un choix entre le besoin d’utiliser un service public sur une base régulière et celui de renoncer à leurs conviction­s religieuse­s.

« L’État n’est pas censé utiliser son pouvoir en allant à l’encontre du droit à la religion », a-t-elle plaidé.

ACCOMMODEM­ENTS POSSIBLES

De son côté, le procureur général du Québec, qui représente l’État, a insisté sur le fait que la loi a été adoptée par la majorité des parlementa­ires.

« On peut ainsi présumer qu’elle a été adoptée dans l’intérêt du public », a indiqué Me Éric Cantin.

Selon lui, les préjudices soulevés par les femmes ne sont liés qu’à des craintes qu’elles ont relativeme­nt à la loi, « plutôt qu’à la loi elle-même ».

« Si des gens s’en prennent à elles, c’est malheureux, c’est évidemment condamnabl­e, mais ce n’est pas un préjudice lié directemen­t à la loi », a-t-il plaidé.

Il a précisé que la « notion d’accommodem­ents raisonnabl­es continue toujours à s’appliquer ».

« Donc [il] semble que ces femmes peuvent toujours être en mesure d’obtenir des services publics comme avant », a-t-il précisé.

Le juge Babak Barin tranchera la question d’ici les prochaines semaines.

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