Tous les leaders religieux contre le projet de loi 62
Ils estiment que le texte proposé par le gouvernement libéral divise les citoyens
Les leaders religieux montréalais ont rejeté unanimement le projet de loi 62 sur la neutralité religieuse qui divise les citoyens en deux classes.
« Quel message envoie-t-on si on dit que certaines personnes n’ont pas le droit de se présenter comme elles sont sur la place publique ? dénonce l’archevêque de Montréal, Christian Lépine. Les femmes musulmanes sont les premières victimes de ce projet de loi. »
Le gouvernement ne donne pas le bon exemple en obligeant les femmes portant le voile intégral à s’identifier dans les autobus, selon l’homme d’Église.
MAUVAIS CLIMAT
« Ça nourrit les peurs des gens, craint-il. Si tu dis que les femmes n’ont pas le droit de porter leur voile dans les autobus, à un moment donné, ce sont les personnes assises à côté d’elles qui vont leur dire d’enlever leur voile. Ça ne crée pas un bon climat », ajoute M. Lépine.
Le panel de la Fondation du Grand Séminaire de Montréal rassemblait des leaders de confession chrétienne, musulmane, anglicane, juive et de spiritualité autochtone pour discuter de laïcité et de neutralité religieuse. Tous se sont dits mal à l’aise devant le débat qu’a créé l’adoption du projet de loi 62 qui oblige les employés de l’État et les citoyens à donner et recevoir un service à visage découvert.
L’évêque anglican de Montréal, Mary Irwin-Gibson, a rappelé que sa communauté s’était prononcée contre la Loi sur la neutralité religieuse jugée intolérante.
INTIMIDATION
« Comme jeune prêtre, je marchais dans l’est de Montréal et un homme a craché devant moi, raconte la révérende. J’étais en col et il m’a dit qu’il avait un problème contre l’Église. Peut-être que c’était contre Dieu ou contre les femmes, on ne sait pas, mais je sais que j’ai été victime de l’intolérance. »
L’ancien président de la Communauté sépharade unifiée du Québec, une association juive, David Bensoussan, se désole que certains politiciens utilisent ce débat pour gagner des appuis.
« J’aurais souhaité que le débat soit plus serein. C’est une question délicate qu’il faut aborder avec beaucoup de compréhension. Je ne dis pas que le malaise n’existe pas, mais nous ne sommes pas obligés de l’exacerber. »
Ces paroles rejoignent l’imam Mahdi Tirkawi, pour qui la laïcité peut aller jusqu’à bafouer la dignité humaine.
« Il ne faut pas mettre une pression sur certaines personnes jusqu’à les priver de ce qui a de la valeur pour eux, croit-il. La laïcité, ça devient un problème lorsqu’elle met certaines personnes à l’écart. »
DIVISION
Plutôt que diviser les citoyens, l’archevêque Christian Lépine aurait préféré qu’on travaille plus sur une laïcité inclusive.
« La neutralité religieuse, elle peut soit vouloir dire que tout le monde a le droit à ses croyances et à sa religion, mais ça peut aussi signifier que certaines parties de ce qui font une personne doivent rester dans la sphère privée. »
Selon Jean-Louis Fontaine, innu et ethnohistorien, les laïques pourraient s’inspirer de la spiritualité religieuse, très ouverte aux autres et tournée vers la terre. Il raconte avoir souvent croisé des personnes de religions différentes dans des rituels autochtones.
« Les autochtones en général sont très ouverts. C’est peut-être pour ça aussi qu’on s’est fait avoir. Quand on est trop gentil, il y a toujours quelqu’un qui empiète sur l’autre. »
« QUEL MESSAGE ENVOIE-T-ON SI ON DIT QUE CERTAINES PERSONNES N’ONT PAS LE DROIT DE SE PRÉSENTER COMME ELLES SONT SUR LA PLACE PUBLIQUE ? » – Christian Lépine, archevêque de Montréal