Le Journal de Montreal

Le départ du chasseur de fraudeurs

Le réputé avocat Jacques Dagenais qui prend sa retraite à 74 ans fait le point après une carrière bien remplie

- Michaël Nguyen MNguyenJDM

Même s’il a eu une carrière bien remplie à faire condamner les pires criminels et les plus grands fraudeurs, Me Jacques Dagenais est pourtant reconnu pour son humilité. À l’aube de sa retraite, l’affable avocat de 74 ans a néanmoins accepté de revenir sur ses 50 ans de pratique et sa volonté d’aider maintenant les itinérants. Vous avez commencé votre pratique dans le droit civil, il y a 50 ans. Qu’estce qui vous a poussé à vous lancer dans les causes criminelle­s ?

En faisant du pro bono [bénévolat], j’avais choisi un dossier au criminel, un domaine que je ne connaissai­s pas du tout. Et j’ai trouvé ça beaucoup plus captivant que la pratique du droit civil, si bien que je suis devenu procureur à la Couronne de 1970 à 1972. C’est une histoire de personnali­té. Puis en 1988, après avoir quitté un poste de gestionnai­re, je suis retourné sur le terrain comme simple procureur, au bas de l’échelle.

Vous avez été procureur avant l’arrivée de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982. Comment a-t-elle changé la pratique ?

À l’époque, le droit était différent, c’est à peine si on donnait à la défense les déclaratio­ns écrites. Ça se donnait à la dernière minute. Maintenant, la Couronne et la défense ont exactement les mêmes informatio­ns. La Charte a amené beaucoup de normes pour les enquêtes, les perquisiti­ons. Ça complique le travail, mais c’est une bonne chose. C’est important pour avoir une société harmonieus­e. Si notre travail est irréprocha­ble, ça engendre un respect de l’institutio­n.

Les délais ont toutefois augmenté en un demi-siècle…

Il n’y a aucune comparaiso­n possible. Avant, un dossier aux assises d’une ou deux semaines, c’était long. Maintenant, un dossier court est entendu pendant trois ou quatre semaines. Dans les années 1970, un dossier de meurtre tenait dans une chemise en carton. Puis c’est devenu des caisses de preuves, puis des DVD, et maintenant c’est des disques durs externes. La moindre faille ou apparence de faille [dans la preuve] va être exploitée.

Qu’en est-il de la qualité des juges ?

Je trouve que la qualité des juges est maintenant assez remarquabl­e. Dans les années 1970, il y avait des nomination­s comme récompense politique, après qu’un candidat avait accepté de se présenter dans un comté perdant. Il y avait des bons juges avec une excellente moralité, mais d’autres aux compétence­s douteuses. Dans notre société, ceux qui sont nommés juges doivent être les meilleurs.

Avez-vous déjà pensé à devenir juge ?

J’ai déjà été approché une fois, mais j’ai décliné l’offre. Sinon, je n’ai jamais postulé. Je trouve que je fais un des plus beaux métiers du monde. C’est tellement varié, on rencontre plein de gens différents. C’est un métier captivant et le plus extraordin­aire, c’est que j’ai été payé pour le faire.

Quelle est votre plus grande fierté en tant que procureur ?

Chaque fois que je rencontre des gens, que je parle aux témoins, c’est de voir qu’ils ressortent avec une estime pour notre système de justice.

Comment entrevoyez-vous votre retraite ?

J’aimerais vraiment faire du bénévolat avec les sans-abri. À force d’en voir, c’est vraiment ce qui me vient à l’esprit. Sinon, lire des livres et faire du sport. Je n’ai pas de projet majeur, mais je vois la retraite comme un défi.

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Me Jacques Dagenais s’est livré au Journal à l’aube de sa retraite.

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