Fini la coiffeuse à la SQ
Celle qui coupait les cheveux des policiers a dû accrocher ses ciseaux le 1er décembre
Les policiers de la Sûreté du Québec ne peuvent plus se faire coiffer à leur quartier général du boulevard Pierre-Bertrand à Québec, un privilège qui était peu connu du grand public.
Après 33 ans à couper les cheveux des policiers actifs et retraités, la coiffeuse Estelle Chagnon s’est fait dire en octobre dernier qu’elle devait quitter le quartier général (QG), a appris notre Bureau d’enquête.
« Je trouve que ça s’est fait de façon assez cavalière », nous a confié Mme Chagnon cette semaine.
La coiffeuse s’était installée en 1985 dans un petit local au sous-sol du bâtiment avec la bénédiction du club social des policiers.
« Je travaillais trois jours semaine, les lundis, mardis et mercredis. C’était pratique, les policiers descendaient me voir et repartaient rapidement. Mes prix étaient ceux du marché. Pas plus, pas moins », précise l’ex-coiffeuse, qui n’était pas employée du corps de police.
« Au mois d’octobre, l’inspecteur-chef Mario Smith (directeur district Est-duQuébec) est venu me voir. Il m’a expliqué que la police changeait. Celle de 2017 n’était plus celle d’il y a 30 ans. Et que si les journalistes apprenaient que je coiffais au quartier général de la SQ (Sûreté du Québec), je perdrais mon emploi », raconte celle qui a finalement dû partir.
VISITES CONTROVERSÉES
Les policiers retraités constituaient la moitié de sa clientèle. L’ex-grand patron de la SQ Richard Deschenes était du nombre. Il subit un procès depuis avril pour fraude, vol et abus de confiance. Il est accusé d’avoir utilisé à des fins illégales le fonds secret de la SQ.
Estelle Chagnon soupçonne que les visites de l’ex-patron de la Sûreté du Québec sur sa chaise ont contribué à ce qu’elle soit mise à la porte.
« Ça commençait à se savoir et à circuler que je continuais à le coiffer au quartier général. Et c’est monté aux oreilles de Smith et de [Martin] Prudhomme (alors directeur général) », dit-elle.
La Sûreté du Québec invoque la sécurité pour justifier sa décision de fermer le salon de coiffure. « Un retraité ne peut pas entrer chez nous comme s’il était encore actif. Ce sont des citoyens, ce ne sont plus des policiers. C’est peut-être plate pour ces gens-là, car ils avaient cette habitude de continuer à venir chez nous et se promener partout », déclare la porte-parole Ann Mathieu.
ZONE SÉCURISÉE
Le salon étant situé au sous-sol du QG, il se trouvait en zone sécurisée et les visiteurs devaient obligatoirement être accompagnés par un agent de sécurité.
« Avec tout ce qui se passe dans la société, c’est normal qu’on ne puisse plus laisser les gens venir comme ils le souhaitaient au quartier général, explique Mme Mathieu. Même si ce sont d’anciens policiers. Il faut établir une limite et tracer une ligne. Elle a été tracée. »
Estelle Chagnon a définitivement accroché ses ciseaux le 1er décembre. Elle est toujours travailleuse autonome et offre dorénavant des soins de pédicure.