Le Journal de Montreal

La vie dans les mines de la mort du Maroc

Des mineurs risquent tout pour quelques dollars

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JERADA | (AFP) À Jerada, une commune déshéritée du nord du Maroc, des centaines de mineurs risquent leur vie pour extraire clandestin­ement du charbon. Il y a quelques jours, Abderrazak a miraculeus­ement échappé à la mort. Mais deux de ses compagnons n’ont pas eu cette chance.

Leur mort, vendredi, a suscité colère et émoi à Jerada, où, pour la troisième journée consécutiv­e, des milliers de personnes ont manifesté hier contre la « marginalis­ation » de leur région. – Mineur

« Le peuple veut une alternativ­e économique », scandaient les protestata­ires, principale­ment des jeunes, qui insistaien­t sur le caractère « pacifique » de leur manifestat­ion et portaient pour beaucoup un drapeau marocain sur les épaules.

Les manifestan­ts reprenaien­t parfois des slogans du mouvement de contestati­on sociale du Hirak, qui a agité l’année écoulée la région voisine du Rif.

AUCUNE PROTECTION

On les appelle les « mines de la mort » : ils sont près d’un millier à s’aventurer quotidienn­ement dans ces mines désaffecté­es, environ deux décennies après leur fermeture, sans aucune protection et au péril de leur vie.

Houcine et Jedouane, deux frères âgés de 23 et 30 ans, ont péri vendredi dans un accident dans une galerie. Abderrazak Daioui, 22 ans, était avec les deux frères au moment de l’accident.

« Nous sommes descendus à 85 mètres sous terre. Houcine et Jedouane étaient juste au-dessous de moi. L’un d’eux a creusé horizontal­ement et a touché un puits d’eau. Nous avons été inondés. Je me suis accroché à ma corde et j’ai réussi à remonter », mais pas eux, raconte le jeune homme.

Abderrazak affirme devoir assumer financière­ment son père de 80 ans, ses six frères, sa femme et sa fille. « Il n’y a pas d’alternativ­e, pas de travail. C’est pour ça que je risque ma vie. Je gagne entre 100 et 150 dirhams par jour (entre 14 et 23 $) », se lamente cet homme qui « descend depuis trois ou quatre ans » dans la mine.

SÉQUELLES

Avant la fermeture de la mine, jugée trop coûteuse par les autorités, à la fin des années 1990, l’activité minière employait quelque 9000 ouvriers à Jerada et constituai­t alors la principale ressource de la population.

Quelque 80 ans d’extraction du charbon ont également laissé des séquelles chez les mineurs. La silicose, maladie pulmonaire provoquée par l’inhalation de fines poussières de charbon, est visiblemen­t courante chez les travailleu­rs des mines, selon des témoignage­s recueillis sur place.

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PHOTO AFP Un mineur entame sa descente dans le puits d’une mine désaffecté­e de Jerada.

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