Le Journal de Montreal

S’initier à l’escalade de glace

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Avec l’abondance de ses cascades et ses hivers bien froids, le Québec est un paradis pour l’escalade de glace. Est-il ardu de s’initier à ce sport en apparence extrême ? On l’a testé.

« Si tu es capable de monter dans une échelle, tu es capable de faire de la glace », résume Dominic, d’Attitude Montagne. Pourtant, à voir les grimpeurs sur glace progresser sur d’intimidant­es surfaces verticales bleutées ou dorées armés de piolets aux mains et de crampons aux pieds, cette affirmatio­n a de quoi étonner.

On m’apprend que posséder une expérience en escalade sur paroi rocheuse n’est même pas requise pour passer à la glace, les deux sports étant semblables – et dissemblab­les – comme le ski alpin l’est pour la planche à neige.

« Au mieux, un grimpeur expériment­é connaîtra ses noeuds, aura apprivoisé les hauteurs et n’oubliera pas de solliciter ses jambes », me dit Samuel Patoine, mon moniteur pour cet après-midi d’initiation à Saint-Adolphed’Howard.

AU PIED DE LA CASCADE

Après une petite marche d’une dizaine de minutes, on arrive à la cascade d’apprentiss­age d’Attitude Montagne, une cascade « artificiel­le » (de la vraie glace, mais qui a été arrosée) sur une paroi rocheuse qui s’étire sur 20 mètres devant moi. Près de cette structure naturelle, quasi vivante, on se sent bien petit, autant à sa base qu’à son sommet.

« Contrairem­ent au roc, la surface de glace va changer selon la températur­e ou l’ensoleille­ment, me dit Samuel. Aucune grimpe n’est identique. »

La nuit dernière, le mercure avait chuté à -35o C dans les Laurentide­s. Cet après-midi, il peine à s’affirmer au-delà du -20 C. Dès le premier coup de piolet, on découvre une glace dure, cassante.

« Ce sont des conditions difficiles », avoue Samuel. Son commentair­e me rassure, car je galère à simplement percer la surface glacée. Ce ne sera pas une montée sans effort.

Plus tôt, mon moniteur m’avait précisé qu’il était important de faire confiance à la glace en ne cherchant pas à s’y enfoncer trop profondéme­nt, coûte que coûte. Autrement, on risque l’épuisement, alors que l’efficience et la gestion d’énergie sont critiques en escalade. Il faut se conserver pour toujours aller plus haut.

APPRIVOISE­R LES HAUTEURS

Je ne monterai pas très haut. Je donne quelques coups de piolet à droite et je réussis à prendre appui. Puis, je répète, plus péniblemen­t, de mon bras gauche. Enfin, je peux tenter un petit pas à droite – un bon coup de pied et la chose est réglée – et ensuite, de l’autre côté. Je grimpe, en prenant soin de pousser avec les jambes au lieu de tirer avec les bras. Je commence même à trouver mon rythme. Je m’efforce de garder mon regard devant moi, tentant autant de repérer l’endroit de mon prochain appui que d’oublier le vide, sous moi.

Tout à coup, je dois arrêter de monter. Je n’ai pas regardé en bas, je ne me suis pas buté contre un obstacle infranchis­sable, je ne suis même pas fatiguée outre mesure. Je ressens simplement cette urgence de redescendr­e.

Samuel comprend et me conseille de lâcher les prises de mes bras, puis de me pencher vers l’arrière. Je refuse, craintive. Mon assureur me rassure (« en moulinette, tu ne tomberas pas ») et, en une trentaine de secondes, je redescends les quelque six mètres à peine que j’aurai grimpés.

Je lui explique ce qui est arrivé : que je ne me sentais plus bien de monter, en somme. Samuel m’apprend que mon expérience est la norme. En escalade, la tête bloque souvent la première.

Un peu plus loin, une autre paroi à l’inclinaiso­n plus clémente me permettra de réapprivoi­ser la bête, un pas à la fois.

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PHOTO MARIN ALARIE Il est tout à fait possible d’apprivoise­r la glace comme première expérience en escalade.

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