Le Journal de Montreal

Ils sont trop intelligen­ts pour l’école régulière

Des enfants surdoués ont des besoins spéciaux et ne trouvent pas leur place en classe

- BENOÎT PHILIE PHOTO BENOÎT PHILIE

Ils ont appris à lire, compter et écrire avant même d’entrer à la maternelle et enchaînent les projets. Pourtant, plusieurs enfants surdoués sont mis de côté sur les bancs d’école au Québec et leurs parents sont à bout de ressources pour les aider.

« Pour ceux qui disent que je suis chanceuse… eh bien, ils ne savent pas c’est quoi », assure Marie-Claude Nantel, la maman de Manolo Poirier-Nantel, 10 ans.

« Je suis moi-même éducatrice spécialisé­e, et je suis à bout de ressources pour lui, j’ai besoin d’aide. Et de l’aide lorsqu’on a un enfant haut potentiel… eh bien, il n’y en a pas », explique Mme Nantel, qui habite sur la Rive-Sud de Montréal.

Au Québec, plus de 20 000 jeunes seraient considérés comme étant doués.

Le Journal a rencontré des enfants et des adultes qui ont reçu ce diagnostic afin de dresser le portrait de la situation au Québec, où il n’existe pas de politique éducative spécifique à la douance.

ANXIÉTÉ

La mère de Manolo a compris très tôt que son fils n’était pas comme les autres. « À la garderie, les employées me disaient qu’il comprenait plus vite que ses amis et qu’il s’ennuyait. »

« À la maternelle, pour son premier projet, il a écrit une petite histoire. Je ne savais même pas qu’il pouvait écrire », raconte Mme Nantel, en lançant un sourire à son garçon, assis à ses côtés.

Mais très vite, Manolo est devenu anxieux à l’idée d’aller à l’école et il a dû changer d’établissem­ent à plusieurs reprises.

C’est aussi le cas de Fabrice Déry, 13 ans, de Saguenay, qui, malgré ses connaissan­ces et ses intérêts variés, a dû être retiré de l’école à quelques reprises afin de faire ses classes à la maison.

Extrêmemen­t brillants, mais hypersensi­bles, ces enfants n’entrent pas dans le moule de l’école « normale ».

« Dans les sports, aussitôt qu’une personne se démarque, on lui offre la possibilit­é de progresser à son rythme. Dans les arts, c’est pareil. On veut en faire des virtuoses. Mais au niveau intellectu­el, on force tous les enfants à faire la même chose. C’est une énorme erreur et une perte de potentiel pour la société », déplore le psychologu­e à la retraite Françoys Gagné.

Selon la psychologu­e spécialisé­e en douance Marianne Bélanger, la très grande majorité des enseignant­s, médecins et psychologu­es ne sont d’ailleurs pas au fait des connaissan­ces scientifiq­ues en douance et n’ont pas été formés pour les dépister et les évaluer.

« Jusqu’à ce jour, la plupart des jeunes doués ont donc été oubliés », estime Mme Bélanger, qui a aussi fondé l’Associatio­n québécoise de la douance.

« À LA MATERNELLE, POUR SON PREMIER PROJET, IL A ÉCRIT UNE PETITE HISTOIRE. JE NE SAVAIS MÊME PAS QU’IL POUVAIT ÉCRIRE. » – Marie-Claude Nantel, mère de Manolo

 ??  ?? SAMEDI 20 JANVIER 2018 La mère de Manolo Poirier-Nantel (au centre), Marie-Claude Nantel, et sa bellemère, Marie-Hélène Lepage (à gauche) peinent à l’envoyer à l’école, qui l’angoisse.
SAMEDI 20 JANVIER 2018 La mère de Manolo Poirier-Nantel (au centre), Marie-Claude Nantel, et sa bellemère, Marie-Hélène Lepage (à gauche) peinent à l’envoyer à l’école, qui l’angoisse.

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