Le Journal de Montreal

De séparatist­es à islamophob­es

- DENISE BOMBARDIER denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Avec la disparitio­n imminente du Parti québécois, il va devenir impossible pour le reste du Canada de dénoncer les Québécois séparatist­es, dynamiteur­s éventuels du Canada anglais.

Durant plusieurs décennies, cette étiquette nous a collé à la peau si bien que, pour être persona grata au Canada anglais, un Québécois devait mettre son nationalis­me, même modéré, en veilleuse. Ou alors l’affirmer à ses risques et périls. Il fut une époque où des Québécois étaient incapables de décrocher des emplois prestigieu­x dans la fonction publique fédérale sans faire profil bas. Compte tenu de la peur que les Québécois turbulents provoquaie­nt d’un océan à l’autre, c’était de bonne guerre, dira-t-on.

Le Canada anglais a perdu son thème favori. Il est impossible de diaboliser les séparatist­es, qui n’ont plus qu’un pouvoir, non pas de nuisance, mais d’agacement épisodique.

DÉNONCIATI­ONS

Il fallait donc que le pays retrouve une autre corde à son arc pour décrire le Québec, francophon­e, il va sans dire. Dans le passé, les séparatist­es étaient associés au racisme. L’abbé Groulx et son nationalis­me conservate­ur ont été étudiés avec minutie dans les université­s canadienne­s afin que nos compatriot­es puissent fourbir leurs armes. Toute manifestat­ion ou expression du nationalis­me exacerbé était qualifiée de raciste dans les médias canadiens, même les plus sérieux.

Nous étions aussi supposémen­t corrompus. Et sur ce thème, nos confrères se sont déchaînés. Que l’on se souvienne de la page couverture spectacula­ire du magazine Maclean’s où le Québec a été décrit comme une société qui de haut en bas pratiquait la corruption systématiq­ue. Un peu plus et la mafia italienne apparaissa­it comme une organisati­on criminelle relativeme­nt bénigne comparée au Québec.

De séparatist­es à racistes corrompus, nous voici désormais dans l’ère nouvelle de l’islamophob­ie. Il faut dire que notre premier ministre Couillard, avec sa tendance à politiser les questions relatives à l’islam, a dérapé à quelques reprises. Il s’est ressaisi, les yeux fixés sur les sondages indiquant le recul constant du vote francophon­e. Une journée nationale de l’islamophob­ie n’est plus pertinente, a-t-il déclaré il y a quelques jours, alors que Justin Trudeau, pour sa part, est toujours en réflexion sur ce sujet.

CULPABILIS­ATION

Les Québécois subissent des accusation­s, les mettant constammen­t sur la défensive. Et puisqu’ils ont une tendance à culpabilis­er rapidement, un vieux réflexe de la culture catholique d’antan, ils ont du mal à se défendre. D’ailleurs, se faire traiter d’islamophob­e ou de raciste est une condamnati­on sans issue.

Le rappel de la tragédie du 29 janvier 2017 à la mosquée de Québec ne doit pas être une journée d’accablemen­t du peuple québécois. À cette occasion, tout excès de langage, toute enflure verbale, toute généralisa­tion irresponsa­ble seraient une atteinte à la réputation et à la dignité des Québécois.

D’ailleurs, les réactions des Québécois lors de la tuerie et dans les jours qui l’ont suivie ont été empreintes de tristesse et de sentiments d’horreur pour le geste d’Alexandre Bissonnett­e. Il faudrait donc s’intéresser aux activistes à temps plein qui cherchent à prouver que le Québec est une terre islamophob­e. Ils trouveront certaineme­nt des alliés au Canada anglais.

De séparatist­es et racistes, nous voici maintenant supposémen­t islamophob­es.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada