Le Journal de Montreal

Le scandale de l’impôt « usuraire »

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Lorsque le taux d’intérêt excède 60 %, c’est reconnu comme un « prêt usuraire » et une infraction au Code criminel. Il y a pire. Sachez que l’impôt « usuraire », ça existe aussi. Des contribuab­les à revenu modeste se font imposer jusqu’à hauteur de 70 à 90 %.

Ce niveau de ponction fiscale dépasse de loin l’impôt maximum que les « riches » contribuab­les paient. Les contribuab­les dont le revenu imposable dépasse les 202 800 $ sont assujettis à un taux d’imposition maximal de 53,3 %.

Cela fait depuis 1998 que le Centre québécois de formation en fiscalité (CQFF) dénonce l’aberration fiscale dont sont victimes des dizaines de milliers de contribuab­les à revenu faible ou modeste.

Et 20 ans plus tard, l’auteur des études du CQFF sur les TEMI (taux effectifs marginaux d’imposition) auxquels sont assujettis les contribuab­les québécois, Claude Laferrière, constate encore une panoplie d’abus fiscaux avec notre système fiscal.

LES ABUS

Les TEMI permettent de déterminer le véritable montant net qu’il reste dans les poches des contribuab­les à la suite d’une hausse de leurs revenus. Que toute hausse de revenu se fasse frapper par l’impôt et une augmentati­on des cotisation­s sociales… c’est normal.

Mais dans notre système fiscal, il faut savoir qu’une hausse de revenu chez les ménages à revenu faible ou modeste aura également comme effet de réduire le montant des prestation­s provenant des diverses mesures sociales, notamment le supplément du revenu garanti pour les personnes âgées, les allocation­s versées pour les enfants, les primes au travail, le crédit d’impôt pour solidarité, le crédit pour frais de garde, la contributi­on aux garderies subvention­nées, l’assurance médicament­s, le crédit pour la TPS, etc.

DES EXEMPLES

Voici des exemples concrets d’abus que l’on retrouve dans la dernière étude fiscale réalisée par M. Laferrière (professeur à la retraite), avec la collaborat­ion du professeur Francis Montreuil, de l’UQAM. Cette étude porte sur l’année 2017.

Prenons le cas d’un couple, avec un revenu et trois enfants (dont un moins de six ans). En voyant son revenu passer de 46 000 $ à 47 000 $, ce couple touchera à peine 61 $ sur son augmentati­on brute de 1000 $. Pour un taux d’imposition de 93,9 %. Le fédéral lui arrachera 402 $, ce qui comprend 162 $ d’impôt, une réduction de 190 $ de l’Allocation canadienne pour enfants, et une diminution du crédit pour la TPS de 50 $. Les cotisation­s sociales (RRQ, assurance-emploi, assurance parentale) grimperont de 73 $. Et Québec lui enlèvera 464 $, comprenant une hausse d’impôt de 200 $, une augmentati­on de l’assurance médicament­s de 104 $, une réduction du crédit d’impôt pour solidarité de 60 $ et une autre de 100 $ de la prime au travail.

VOICI D’AUTRES EXEMPLES

√ Une personne seule 17 000 $ à 18 000 $ : charge fiscale de 68,1 % sur le gain de 1000 $ √ Famille monoparent­ale, 2 enfants (1 moins de 6 ans) 37 000 $ à 38 000 $ : charge fiscale de

75,5 % sur la hausse de 1000 $ √ Couple, 2 revenus, 2 enfants (1 moins de 6 ans), garderie subvention­née 43 000 $ à 44 000 $ : ponction fiscale de 77,9 % sur le 1000 $ supplément­aire √ Couple de 65 ans, 1 revenu autonome, en sus de la pension de la sécurité de vieillesse Revenu autonome passant de 6000 $ à 7000 $ : 76,8 % d’imposition sur le 1000 $ supplément­aire

Après 20 ans, il est vraiment temps que l’impôt usuraire cesse. C’est honteux !

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