Le Journal de Montreal

Les chauffeurs ne veulent pas remplacer leur vieux taxi

La limite d’âge est de huit ans à Montréal, contre 10 ans pour la compagnie Uber

- MATTHIEU PAYEN

Des chauffeurs de taxi demandent à la Ville de Montréal de modifier le règlement qui leur interdit d’opérer avec un véhicule de plus de huit ans, alors que la limite est fixée à 10 ans dans le reste de la province et pour les chauffeurs Uber.

« C’est injuste ! » lance Hassan Kattoua, autoprocla­mé « shérif » des taxis à Montréal. Comme 300 autres cette année, son véhicule de 2010 ne sera plus autorisé à servir de taxi à Montréal à compter du 31 mars, sous peine d’amendes de 700 à 2100 $. M. Kattoua risque aussi de se faire retirer son permis de taxi acheté pour près de 200 000 $.

Le règlement instauré en 2016 par le Bureau du taxi impose une limite d’âge plus basse aux taxis montréalai­s qu’ailleurs au Québec. Il force aussi les chauffeurs à acquérir des véhicules de moins de trois ans, et non de moins de cinq ans comme dans le reste de la province, ce qui renforce la grogne de certains chauffeurs.

« Il n’est pas question que je change de véhicule. Je n’ai pas les moyens d’acheter une voiture neuve, affirme M. Kattoua. Si le règlement ne change pas d’ici au 31 mars, je suis prêt à prendre le risque de continuer à conduire mon auto. »

PARFAIT ÉTAT

« IL N’EST PAS QUESTION QUE JE CHANGE DE VÉHICULE. JE N’AI PAS LES MOYENS D’ACHETER UNE VOITURE NEUVE. » – Hassan Kattoua, chauffeur de taxi

Très attaché à sa Hyundai Sonata, qui affiche 239 000 km au compteur, il montre un rapport d’inspection mécanique daté de l’automne dernier. « L’auto est en parfait état, alors c’est quoi le problème ? » lance-t-il.

Même chose pour Fayçal Baccar, dont le Dodge Caravan 2010 fait l’admiration, dit-il, de ses clients. « Les véhicules qui passent l’inspection sans problème devraient être autorisés jusqu’à 10 ans », dit-il.

Pour éviter de se retrouver sans outil de travail, M. Baccar dit toutefois avoir commencé à magasiner une nouvelle auto.

« Pour un van, c’est 35 000 $ minimum, dit-il. C’est dur parce que mes revenus ont beaucoup baissé à cause d’Uber. »

Habitué des coups d’éclat contre l’entreprise américaine, M. Kattoua craint pour sa part de voir son auto rachetée par un chauffeur Uber. « Il pourrait l’avoir pour 2000 $ et faire exactement ma job, alors que moi, on me force à acheter une voiture à plus de 30 000 $ ».

Le bouillant chauffeur affirme qu’il préférerai­t détruire son auto plutôt que de la voir « passer entre les mains de l’ennemi ».

EN RÉFLEXION

À la Ville, on se dit « ouvert à la discussion ».

« On réfléchit à ce sujet et on collabore avec Québec pour revoir le cadre réglementa­ire de l’industrie du taxi », affirme Eric Alan Caldwell, responsabl­e des Transports au comité exécutif de la Ville. Mais aucun changement de la réglementa­tion n’est prévu d’ici au 31 mars.

Le Bureau du taxi rappelle que la limite d’âge a été abaissée afin d’améliorer le service et la sécurité des clients.

« Les voitures de taxi font beaucoup de kilomètres, donc elles vieillisse­nt plus vite », souligne Marie-Hélène Giguère, porte-parole du Bureau du taxi.

« Le bon état mécanique n’est pas suffisant, ajoute-t-elle. Il y a des Toyota Tercel 1996 en très bon état, mais est-ce que ça en fait de bons taxis ? »

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PHOTO MATTHIEU PAYEN Hassan Kattoua montre l’avis du Bureau du taxi qui lui interdit d’utiliser sa Hyundai Sonata 2010 comme taxi au-delà du 31 mars.
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ERIC ALAN CALDWELL Responsabl­e des transports à la Ville

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