TOUT CE QUE VOUS NE SAVEZ PAS SUR LE POT
Trente ans pourraient encore être nécessaires pour que la science amasse des données fiables et complètes
OTTAWA | Les scientifiques qui étudient le cannabis croient que la légalisation va accélérer la recherche et permettre d’élucider les nombreux mystères qui perdurent sur ses effets. Mais en savoir autant qu’au sujet de l’alcool ou le tabac pourrait prendre encore des décennies.
« On s’apprête à mettre sur le marché une plante, qui est un médicament qu’on n’a pas assez étudié », s’inquiète Gabriella Gobbi, psychiatre et chercheuse sur les effets du cannabis à l’Université McGill.
À quelques mois de la légalisation du cannabis au Canada, prévue pour juillet 2018, des experts se préoccupent des lacunes dans la connaissance scientifique de la substance.
« Il y a un risque de banalisation qui va s’installer autour du cannabis après la légalisation », rappelle Louis Richer, chercheur à l’Université du Québec à Chicoutimi qui étudie les effets à long terme du pot.
LACUNES
L’interaction entre le cannabis et les autres drogues, comme l’alcool et les opioïdes, ses effets sur le corps humain ou sur le développement cérébral du foetus sont autant de questions pour lesquelles la science reste encore sans réponse, indique un récent compte-rendu d’un colloque de chercheurs organisé par le gouvernement fédéral à l’automne.
L’objectif d’Ottawa était de déterminer les « lacunes dans la recherche » pour orienter la science vers ces zones d’ombre du savoir sur le cannabis.
« Ce qu’on sait sur le cannabis est très rudimentaire. Pour l’alcool et le tabac, on a pu étudier des personnes sur plusieurs décennies », explique François Gagnon, conseiller scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Il estime que les études sur les effets immédiats du cannabis pourraient être conclues en quelques mois, alors que celles sur les effets à long terme pourraient prendre jusqu’à 20 ou 30 ans.
PIONNIER
La légalisation pourrait faire du Canada un pionnier en recherche scientifique sur cette drogue, espèrent les scientifiques consultés.
À compter de juillet, « on va pouvoir se baser sur des données robustes sur les effets de la légalisation », espère Didier Jutras-Aswad, psychiatre et chercheur au CHUM.
À l’heure actuelle, c’est justement le manque de données fiables qui fait en sorte qu’on en sait aussi peu sur les méfaits du cannabis, mais aussi sur ses bienfaits potentiels en médecine.