Le Journal de Montreal

73 ANS ET TOUJOURS FOU DE SKI

- Pierre Durocher PDurocherJ­DM

MONT-TREMBLANT | Si Erik Guay, champion du monde de ski alpin, fait l’orgueil de Mont-Tremblant et que le planchiste JaseyJay Anderson a lui aussi une piste nommée en son honneur à la station, l’une des plus belles descentes sur le versant nord est assurément la Duncan, en hommage à une famille qui a marqué l’histoire de la plus haute montagne des Laurentide­s.

Il suffit de skier quelques heures en compagnie de l’ancien olympien Peter Duncan pour constater qu’il demeure une figure très populaire. Son père Charlie a été l’un des employés de la première heure à cette station riche en histoire, traçant un bon nombre de pistes, en plus d’être le gérant du Devil’s River Lodge.

Les employés de la station reconnaiss­ent et aiment discuter avec Peter, qui a été l’un des meilleurs skieurs du Canada dans les années 1960, remportant diverses épreuves sur la scène internatio­nale. Il a pris part aux Jeux olympiques d’Innsbruck, en 1964, et à ceux de Grenoble, en 1968.

Son seul regret est de ne pas être parvenu à mettre la main sur une médaille olympique, comme l’a fait sa coéquipièr­e Nancy Greene, décorée d’or et d’argent à Grenoble.

UNE FAÇON DE VIVRE

Peter Duncan a 73 ans bien sonnés, mais on lui en donnerait 30 ans de moins en le voyant dévaler les pistes à vive allure.

« Le ski, ce n’est pas un sport, mais plutôt une façon de vivre, raconte-t-il sur un ton passionné, pendant une pause au restaurant situé au sommet de la montagne. Je ne me souviens pas à quel âge on m’a mis sur des skis pour la première fois, nous qui demeurions au pied des pistes sur le versant nord, soit au Devil’s River Lodge, administré par mes parents. J’aime bien dire que je suis né au paradis et que j’ai grandi à Disneyland ! »

Duncan estime qu’il retire encore des bénéfices de sa longue carrière de skieur, soulignant que ce fut une leçon de vie pour lui alors qu’il brasse aujourd’hui des affaires en tant que président et actionnair­e principal de la firme NEM, qui fait la promotion des énergies renouvelab­les.

Pourquoi racontes-tu que le ski a été une leçon de vie pour toi ? « Parce qu’à mes débuts sur la scène internatio­nale, je me pensais bien bon. J’étais un adolescent frondeur et je me croyais meilleur que tout le monde puisque je gagnais toutes les courses auxquelles je participai­s à l’âge de 15 ans... jusqu’au jour où je me suis retrouvé avec l’équipe canadienne en Europe pour la première fois, à l’hiver 1960-61, en compagnie de mon ami Jean-Guy Brunet. Je m’en souviens comme si c’était hier. Le manufactur­ier de skis Kastle avait organisé un entraîneme­nt chronométr­é amical entre les Canadiens et les Autrichien­s. On s’était fait planter solidement, au point que le coach de l’équipe autrichien­ne s’était demandé si l’équipe A du Canada allait arriver bientôt ! Ce fut une première leçon. J’ai compris que j’avais des croûtes à manger avant de pouvoir me comparer aux meilleurs skieurs du monde, moi, le p’tit gars de Tremblant qui pesait à peine 100 livres. »

Comment as-tu fait pour te hisser parmi l’élite mondiale ? « J’ai redoublé d’efforts pour me renforcer physiqueme­nt et pour améliorer ma technique. Ce n’est qu’en 1964, soit à l’âge de 20 ans, que je me suis senti plus à l’aise face à ces skieurs européens plus costauds que moi et j’ai décroché une neuvième position au combiné de trois épreuves aux Jeux olympiques d’Innsbruck. En 1965, j’ai été couronné champion aux États-Unis, ce qui m’a valu un beau reportage dans le magazine Sports Illustrate­d, en compagnie de Nancy Greene, la meilleure skieuse canadienne de l’histoire. »

Ç’avait l’air de quoi, les Jeux olympiques dans les années 1960 ? « Je trouvais ça très gros, mais lorsque je compare les Jeux olympiques d’Innsbruck à ceux d’aujourd’hui, c’est tout un monde de différence. À l’époque, les Jeux avaient encore une dimension humaine. Le public pouvait s’approcher des athlètes, leur parler, les féliciter, sans la présence de tous ces policiers sur les sites de compétitio­n. Les Jeux olympiques ont pris des proportion­s démesurées, notamment à Sotchi. »

Quels souvenirs as-tu de ta participat­ion aux Jeux olympiques de 1968 à Grenoble ? « Ça s’était mal passé. J’avais vécu une débandade aux championna­ts du monde de 1966 et ça m’avait pris du temps pour m’en remettre, ma

confiance étant ébranlée. Aux Jeux de Grenoble, deux ans plus tard, j’ai skié comme un débutant et je suis carrément entré dans le bois lors d’une sortie de piste, victime d’un manque de concentrat­ion. J’ai eu l’air fou, pendant que mon ami JeanClaude Killy obtenait trois médailles d’or. J’étais à ce point découragé que j’ai mis un terme à ma carrière à 24 ans. »

Et que s’est-il passé par la suite ? « On m’a offert un bon emploi au sein de la compagnie Bombardier, à Valcourt. On m’a demandé de dénicher rapidement quelques centaines d’employés, tellement les ventes de motoneige grimpaient en flèche. Cet emploi n’a toutefois duré que six mois, car à l’automne suivant, j’ai été invité à donner un coup de main aux entraîneur­s pour un camp qui se tenait sur un glacier à Kokanee, en Colombie-Britanniqu­e. En constatant que j’étais toujours rapide en piste, j’ai choisi de reprendre ma carrière au sein de l’équipe nationale jusqu’aux championna­ts mondiaux de Val Gardena, en 1970, où j’ai fini septième au combiné. Je me suis ensuite joint au circuit profession­nel, dont j’ai participé à la création et qui a connu un vif succès aux États-Unis. Les courses étaient télédiffus­ées le week-end au réseau ABC, à l’émission Wide

World of Sports. Une belle époque. »

Tu as aussi connu une carrière d’analyste de ski à la télévision durant cinq décennies. Qui t’a le plus aidé dans ce boulot ? « Richard Garneau a été comme un ange gardien pour moi. J’ai bien aimé participer aux reportages de toutes ces éditions des Jeux olympiques, mais je ne serai pas aux Jeux de Pyeongchan­g. Je me contentera­i du rôle de téléspecta­teur. Le boulot ne manque pas au bureau. On travaille fort à l’organisati­on d’une grosse exposition consacrée aux énergies renouvelab­les qui aura lieu en septembre à Montréal. »

Tu connais bien Erik Guay, un citoyen de Mont-Tremblant. Qu’est-ce qui t’impression­ne le plus chez ce grand champion ? « Je croise souvent ses parents à la station et ils peuvent être fiers de leurs enfants, à qui ils ont transmis de belles valeurs. Erik est non seulement le meilleur skieur canadien de l’histoire, devant Steve Podborski, mais il est aussi un gars formidable, papa de quatre belles filles. Il est honnête. Il a une bonne tête sur les épaules. Je me réjouis de savoir qu’il est suffisamme­nt rétabli de sa blessure au dos pour prendre part aux Jeux olympiques de Pyeongchan­g. Erik sait ce qu’il a à faire et chaque fois qu’il s’attaque à une descente, il a des chances de terminer l’épreuve sur le podium. »

À 73 ans, n’aurais-tu pas le goût de profiter de la retraite sur ta ferme dans les Laurentide­s ainsi que sur les pentes de Mont-Tremblant ? « J’aime être impliqué dans le monde des affaires. J’ai besoin de me tenir occupé. Je consacre aussi du temps à la Fondation père Sablon, qui offre de multiples activités à 20 000 enfants. De plus, je suis impliqué dans un centre de soins palliatifs dans le village de Tremblant. À 73 ans, je déborde encore d’énergie. Je dois tenir ça de mes parents… »

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1. La famille Duncan, soit Charlie et son fils Peter, a marqué l’histoire de la station de ski Mont-Tremblant. À 73 ans, Peter dévale toujours avec plaisir la piste qui porte son nom sur le versant nord. 2. En 1970, Peter Duncan a terminé septième au...

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