L’Afghanistan à feu et à sang (air connu)
Les géologues devront étudier le sol de l’Afghanistan un jour. Il se trouve là — je suis à bout d’explications — une sorte d’aimant, attirant continuellement tout ce qui traîne d’armements, de combattants et de haine dans la région.
Peut-être est-ce l’effet pervers de la « pensée positive » ou avons-nous possiblement aussi le réflexe de détourner trop rapidement notre attention de ce coin amoché du monde, en guerre quasi incessante depuis près de quarante ans.
Dès que les choses se calment, nous célébrons la « victoire du bon sens » et la nouvelle ère de paix et de développement qui, espérons-nous ardemment, sortira le pays de sa misère et justifiera les milliards que nous y investissons, avec nos cousins occidentaux, depuis des décennies.
Sauf que cette belle illusion ne dure jamais. Il ne s’agit que de regarder les dix derniers jours, à commencer par l’attaque de l’hôtel InterContinental de Kaboul, une place forte dans la capitale afghane.
LA CHASSE AUX ÉTRANGERS
Un commando de six assaillants, selon les autorités locales, ont d’abord tiré à vue sur les clients, puis sont montés dans les chambres où ils ont pris des otages, tout en abattant, voire décapitant d’autres occupants. On compte au moins vingt-cinq morts, dont une quinzaine d’étrangers.
En fait, les survivants racontent que les agresseurs couraient dans les corridors expressément à la recherche d’étrangers. Ces agresseurs, le ministère afghan de l’Intérieur les associe au réseau Haqqani, allié des talibans, et basé au Pakistan.
Quelques jours plus tard, à Jalalabad dans l’est de l’Afghanistan, les bureaux de l’ONG britannique « Save The Children » étaient pris d’assaut par un autre groupe d’extrémistes, associés ceux-là à l’État islamique. Bilan cette fois-ci : cinq morts et vingt-six blessés.
Finalement hier, la monstrueuse explosion d’une ambulance dans un autre quartier de Kaboul sous surveillance serrée a fait au moins 95 morts et 158 blessés. L’attentat, ce coup-ci, a été revendiqué par les talibans, mais d’une autre branche que celle responsable de l’attaque contre l’hôtel InterContinental.
LE RENDEZ-VOUS DES EXTRÉMISTES
On n’en sort pas : l’Afghanistan est une manufacture à extrémistes. Les raisons sont connues, nombreuses et complexes. Le pays est difficile à gérer et les régions, historiquement, ont plutôt reçu leurs ordres d’un warlord local que de la présidence afghane à Kaboul. Corruption et inefficacité, du coup, font partie du vocabulaire normal en parlant des gouvernements, central ou autre. Rien pour nourrir la fidélité nationale.
De partout aussi, tout le monde se mêle des affaires du pays. On critique vite — et à juste titre — le Pakistan et le rôle déstabilisateur qu’il continue de jouer chez son voisin. Les Américains y sont toutefois depuis le début des années 2000 à y faire la chasse aux talibans et à leurs alliés d’Al-Qaïda (des Arabes d’ailleurs, pour la plupart), qui eux-mêmes avaient pris les commandes du pays quelques années après le départ des Soviétiques à la fin des années 1980.
On se retrouve donc avec un gouvernement central faible, des combattants d’ici et d’ailleurs et une foire aux armements bien fournie. Les Américains — à court, comme tous les autres, d’issue à cette impasse — y déploient encore un peu plus de soldats, y larguent des bombes chaque fois plus puissantes que les dernières et dessinent de nouvelles tactiques qui, cette fois, jurent-ils, vont vraiment faire pencher la balance du bon côté.
Dix-sept ans que ça dure. Et rien dans les carnages des derniers jours n’indique qu’une vraie solution existe quelque part. Désespérant.