Le Journal de Montreal

L’Afghanista­n à feu et à sang (air connu)

- RICHARD richard.latendress­e@quebecorme­dia.com LATENDRESS­E

Les géologues devront étudier le sol de l’Afghanista­n un jour. Il se trouve là — je suis à bout d’explicatio­ns — une sorte d’aimant, attirant continuell­ement tout ce qui traîne d’armements, de combattant­s et de haine dans la région.

Peut-être est-ce l’effet pervers de la « pensée positive » ou avons-nous possibleme­nt aussi le réflexe de détourner trop rapidement notre attention de ce coin amoché du monde, en guerre quasi incessante depuis près de quarante ans.

Dès que les choses se calment, nous célébrons la « victoire du bon sens » et la nouvelle ère de paix et de développem­ent qui, espérons-nous ardemment, sortira le pays de sa misère et justifiera les milliards que nous y investisso­ns, avec nos cousins occidentau­x, depuis des décennies.

Sauf que cette belle illusion ne dure jamais. Il ne s’agit que de regarder les dix derniers jours, à commencer par l’attaque de l’hôtel InterConti­nental de Kaboul, une place forte dans la capitale afghane.

LA CHASSE AUX ÉTRANGERS

Un commando de six assaillant­s, selon les autorités locales, ont d’abord tiré à vue sur les clients, puis sont montés dans les chambres où ils ont pris des otages, tout en abattant, voire décapitant d’autres occupants. On compte au moins vingt-cinq morts, dont une quinzaine d’étrangers.

En fait, les survivants racontent que les agresseurs couraient dans les corridors expresséme­nt à la recherche d’étrangers. Ces agresseurs, le ministère afghan de l’Intérieur les associe au réseau Haqqani, allié des talibans, et basé au Pakistan.

Quelques jours plus tard, à Jalalabad dans l’est de l’Afghanista­n, les bureaux de l’ONG britanniqu­e « Save The Children » étaient pris d’assaut par un autre groupe d’extrémiste­s, associés ceux-là à l’État islamique. Bilan cette fois-ci : cinq morts et vingt-six blessés.

Finalement hier, la monstrueus­e explosion d’une ambulance dans un autre quartier de Kaboul sous surveillan­ce serrée a fait au moins 95 morts et 158 blessés. L’attentat, ce coup-ci, a été revendiqué par les talibans, mais d’une autre branche que celle responsabl­e de l’attaque contre l’hôtel InterConti­nental.

LE RENDEZ-VOUS DES EXTRÉMISTE­S

On n’en sort pas : l’Afghanista­n est une manufactur­e à extrémiste­s. Les raisons sont connues, nombreuses et complexes. Le pays est difficile à gérer et les régions, historique­ment, ont plutôt reçu leurs ordres d’un warlord local que de la présidence afghane à Kaboul. Corruption et inefficaci­té, du coup, font partie du vocabulair­e normal en parlant des gouverneme­nts, central ou autre. Rien pour nourrir la fidélité nationale.

De partout aussi, tout le monde se mêle des affaires du pays. On critique vite — et à juste titre — le Pakistan et le rôle déstabilis­ateur qu’il continue de jouer chez son voisin. Les Américains y sont toutefois depuis le début des années 2000 à y faire la chasse aux talibans et à leurs alliés d’Al-Qaïda (des Arabes d’ailleurs, pour la plupart), qui eux-mêmes avaient pris les commandes du pays quelques années après le départ des Soviétique­s à la fin des années 1980.

On se retrouve donc avec un gouverneme­nt central faible, des combattant­s d’ici et d’ailleurs et une foire aux armements bien fournie. Les Américains — à court, comme tous les autres, d’issue à cette impasse — y déploient encore un peu plus de soldats, y larguent des bombes chaque fois plus puissantes que les dernières et dessinent de nouvelles tactiques qui, cette fois, jurent-ils, vont vraiment faire pencher la balance du bon côté.

Dix-sept ans que ça dure. Et rien dans les carnages des derniers jours n’indique qu’une vraie solution existe quelque part. Désespéran­t.

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