Le président invente des faits devant Justin Trudeau
Son attitude laisse présager le pire pour la renégociation de l’ALENA
OTTAWA | Les faussetés du président Donald Trump soutenues devant Justin Trudeau pourraient rompre la confiance entre deux pays « meilleurs amis » au beau milieu des renégociations déjà tendues de l’ALENA.
« Le président a tort, il agit sans conséquence. Il m’a mis en furie. De traiter le Canada, notre meilleur ami, de cette manière rompt le lien de confiance », a lâché Bruce Heyman, l’ambassadeur américain à Ottawa sous Barack Obama.
Hier, le quotidien Washington Post a publié des extraits d’un discours de Donald Trump devant des donateurs, dans lequel il se vante d’avoir carrément inventé des informations lors d’une conversation avec le premier ministre Justin Trudeau. Il a même tenté d’imiter la voix du PM à la blague.
L’histoire a déclenché une vague de contestations envers le président américain sur internet hier (voir ci-contre).
Selon le récit de M. Trump, Justin Trudeau aurait expliqué que les États-Unis exportent plus de biens au Canada qu’ils n’en importent.
« Il était si fier, j’ai donc dit : “Faux, Justin, vous en avez un [déficit commercial].” Je n’en avais aucune idée ! », a indiqué le président, en qualifiant le PM de « gentil » et « bel homme ».
DES FAKE NEWS
Mais selon leurs propres statistiques, les États-Unis ont en fait un surplus commercial avec le Canada, rappelle le cabinet de Justin Trudeau. Un fait que M. Trump refuse toujours de croire, puisqu’il a réitéré sa version des faits sur Twitter, hier.
Des experts préviennent qu’il faut désormais s’attendre à ce que Donald Trump déforme la vérité à son avantage.
« La façon Trump de négocier, c’est ça. Tenter de déstabiliser l’autre, parfois exagérer, placer son interlocuteur sur la défensive, explique Frédérick Gagnon, professeur à l’UQAM et titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand sur les États-Unis. »
Le président Trump croit que son pays est victime de tous ses accords commerciaux, dit-il, et il le prouve en parlant uniquement des quelques secteurs pour lesquels il existe effectivement un déficit commercial.
INQUIÉTUDE
Choqué par les propos du président, l’ex-ambassadeur Heyman est anxieux face à l’avenir de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), présentement en renégociation.
« En voyant aller ce président, depuis son arrivée, je suis inquiet chaque jour », a-t-il expliqué au Journal.
Il conseille à Ottawa de continuer à rétablir les faits et de ne pas se laisser décourager par cette « mauvaise passe ».
« Il ne faut pas que le gouvernement Trudeau oublie que le président Trump représente des millions d’Américains qui ne sentent pas avoir profité de l’ALENA », conseille son collègue Rafael Jacob, spécialiste des États-Unis.