LE GALA DES DEUX SOLITUDES
Vous avez trouvé la cérémonie des Oscars de cette année longue et ennuyante ? C’est probablement parce que vous n’avez pas regardé celle des Écrans canadiens, ce gala annuel qui récompense le meilleur du cinéma et de la télévision canadienne et qui a couronné, dimanche, un film que peu de gens au Québec ont vu.
Chaque année, au gala des prix Écrans Canadiens (les anciens prix Génie), il est fascinant d’observer les milieux du cinéma canadien-anglais et québécois se côtoyer sans vraiment avoir l’air de se connaître. Bon an mal an, les films québécois obtiennent toujours une bonne part des nominations, mais on a toujours un peu l’impression que nos cinéastes et nos acteurs ne se sentent pas à leur place dans cette cérémonie terne et sans éclat présentée sur les ondes de CBC en direct de Toronto.
Cette année, c’est le film Maudie, une coproduction Canada-Irlande, qui a triomphé en obtenant sept prix, dont celui du meilleur film. Ce film mettant en vedette Sally Hawkins et Ethan Hawke, qui raconte la vie de la peintre néo-écossaise Maud Lewis, est passé totalement inaperçu à sa sortie en salles au Québec il y a un an, récoltant à peine 135 000 $ au box-office de la province.
Avec la domination de Maudie, les films québécois ont dû se contenter de quelques prix. Le drame historique Hochelaga, terre des âmes a obtenu quatre prix techniques, tandis que la comédie De père en flic 2 est repartie avec le trophée remis au film canadien le plus populaire de l’année. Pas une grosse récolte...
QUAND ON SE COMPARE...
Pendant la diffusion du gala dimanche soir, l’actrice Danièle Lorain a écrit sur Twitter que les Écrans canadiens accordaient des nominations au Québec pour se donner bonne conscience. Je ne partage pas du tout cette opinion. Il arrive assez fréquemment que ce soit des films québécois qui raflent tout à ce gala. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit l’an passé, quand Juste la fin du monde de Xavier Dolan a remporté six prix, dont celui du meilleur film.
Je me souviens aussi de l’année où le C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée avait raflé une dizaine de prix. J’étais dans la salle de presse du gala, ce soir-là, à Toronto, et plusieurs journalistes canadiens-anglais étaient médusés de voir un film québécois triompher de la sorte. L’illustration parfaite des deux solitudes.
Sans surprise, la cérémonie des prix Écrans canadiens n’a pas suscité beaucoup d’intérêt au Québec. Mais le gala n’a pas été très suivi au Canada anglais non plus, même s’il était animé par deux vedettes de la télévision canadienne-anglaise (Jonny Harris et Emma Hunter). Mon collègue Guy Fournier écrivait d’ailleurs plus tôt cette semaine que le gala avait été peu couvert par les journaux canadiens-anglais – un fait inquiétant quand on sait à quel point la culture canadienne est menacée par l’omniprésence de la culture américaine.
D’ailleurs, le public canadien-anglais n’a pas vraiment répondu à l’appel non plus. Le gala des Écrans canadiens a été vu par à peine 433 500 téléspectateurs d’un bout à l’autre du Canada, dont seulement 37 600 au Québec. À titre de comparaison, le Gala Québec Cinéma, qui récompense le meilleur du cinéma québécois, a été regardé par 583 000 personnes en juin dernier et plusieurs trouvaient que c’était peu. Comme quoi, quand on se compare, on se console…