Il voulait « protéger sa famille » d’une attaque terroriste
En interrogatoire, Alexandre Bissonnette peinait à croire qu’il avait tué six personnes
QUÉBEC | Alexandre Bissonnette voulait « protéger sa famille ». Il souhaitait la soustraire « à une attaque terroriste ». Il voulait « sauver des gens ». C’est le résultat qu’il espérait le soir du 29 janvier 2017 lorsqu’il s’est présenté à la grande mosquée de Québec.
Cette révélation, Bissonnette l’a faite à l’enquêteur Steve Girard de la Sûreté du Québec un peu plus de 12 heures après les tristes événements qui ont coûté la vie à six hommes.
C’est dans un local dépouillé servant aux interrogatoires que le jeune homme, vêtu d’une combinaison blanche, a été amené.
Si, au départ, il ne veut pas parler, il s’ouvre peu à peu, se confie, toujours animé par l’idée de protéger sa famille. Protéger sa société.
Ce qui frappe en regardant les images, c’est l’attitude de Bissonnette : son comportement ainsi que sa gestuelle qui fait penser à celle d’un jeune enfant. Il tousse, respire fort, se mouche, bouge, bâille, soupire, pleure.
« J’peux pas y croire », dit-il en pleurant, ce à quoi l’enquêteur lui répond que c’est « ensemble qu’ils vont tenter de comprendre ».
Tout au long de l’interrogatoire, différents sujets seront abordés comme ses loisirs, sa médication, son problème d’anxiété, son envie de mourir, sa relation avec ses parents.
« JE SUIS PAS UN MONSTRE »
Puis vient le moment où Bissonnette se frappe, refusant de croire qu’il a tué six personnes. « Ça se peut pas, parce que j’ai tiré n’importe où. Je suis pas un monstre... Y’avait pas d’enfants, hier, là ? »
« Y’a pas d’enfants qui ont été touchés. Est-ce que t’as fait attention à ça ? » « Oui… » murmure l’accusé.
« Pourquoi t’as choisi cet endroit-là, Alexandre », lui demande alors l’enquêteur.
« Tsé, p’t’être avec mes actions, là, avant de me tirer dans la tête, plutôt que de rien faire, pis faire ça chez nous, dans ma chambre, dans l’bois… j’me suis dit que peut-être que, grâce à c’que j’ai faite, tsé, il va avoir peut-être une centaine de personnes, tsé, qui vont être sauvées ».
Questionné sur le nombre de chargeurs qu’il croit avoir vidés sur les lieux du crime, Bissonnette semble confus.
« Tu crois avoir tiré combien de coups ? » lui demande alors l’enquêteur. « J’m’en rappelle pas… p’t’être dix… Dix coups. » « Et il y avait beaucoup de monde ? » « Non, y’avait personne », a-t-il répondu.
Il n’avait pas plus de souvenirs d’Azzeddine Soufiane, qui a tenté d’arrêter sa folie meurtrière. « Il a pas réussi à m’arrêter ? Mais y’é pas décédé par exemple, han ? », a-t-il questionné, inquiet.
« SAUVER DU MONDE »
Quelques minutes avant de conclure l’entretien, l’enquêteur lui a demandé s’il voulait ajouter quelque chose.
« Oui. Y’aurait pas une porte de sortie que j’pourrais avoir, là ? Hier, je l’avais la porte de sortie, je voulais me suicider, mais là, je l’ai pu… », a-t-il murmuré en pleurant.
« Alex, tu savais que c’que t’allais faire c’tait mal… ».
« Pantoute. Pour moi, c’tait pas mal pantoute, pis j’ai pas pensé que je pourrais finir en prison parce que je voulais me tirer une balle dans la tête. J’voulais juste sauver du monde ».