Un centre commercial bannit les ados
Cela contreviendrait à la Charte des droits et libertés de la personne, et des jeunes ont signé une pétition
TROIS-RIVIÈRES | Les personnes de moins de 18 ans ne peuvent plus entrer seules dans un centre commercial de la Mauricie parce que la direction les soupçonne de grabuge et de vol à l’étalage.
Selon des commerçants qui ont requis l’anonymat et des adolescents rencontrés au Carrefour du Cap de Trois-Rivières, hier, ce centre commercial subit parfois des méfaits le midi lorsque les étudiants des deux écoles secondaires voisines s’y regroupent.
Il y aurait notamment déjà eu de l’huile étendue sur le plancher des salles de bain, du rouge à lèvres sur les murs, de l’odeur de cannabis, une caissière se serait fait cracher dessus, etc.
Le groupe Shapiro, propriétaire du Carrefour du Cap à Trois-Rivières, en a marre et interdit depuis une semaine l’accès aux mineurs non accompagnés d’un parent.
DISCRIMINATOIRE
Des affiches placardées dans les vitrines interdisent l’accès aux jeunes. Quatre agents de sécurité se placent près des portes vers 11 h 30, chaque matin, pour éviter que les adolescents entrent sur l’heure du midi.
L’interdiction est en vigueur en tout temps, pas seulement pendant la pause du dîner. Si bien que les ados ne peuvent y accéder seuls, même la fin de semaine.
Cette interdiction pourrait cependant contrevenir à la Charte des droits et libertés de la personne qui interdit à un commerce qui offre un service de refuser de servir des gens en raison de l’âge, pas plus qu’en raison du sexe ou de l’orientation sexuelle.
Sans commenter ce dossier précis, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse indique qu’un centre commercial qui interdirait son accès à un groupe ciblé en se fondant seulement sur l’âge serait discriminatoire et contreviendrait à la charte.
« On entrait et on était calme. Il y en a d’autres qui ont fait des conneries et on est punis pour ça », déplore Kristel, 14 ans, qui veut taire son nom de famille.
ENGAGEMENT
Avec des amis, elle a remis hier une lettre signée par une vingtaine d’élèves à un agent de sécurité. Ils s’engagent à ne pas faire de dégâts s’ils retrouvent le droit d’entrer.
Les adolescents aiment profiter du prêtà-manger de l’épicerie, qui offre, entre autres, poutine et pogo pour moins cher qu’au restaurant. Sauf qu’un local sur deux du Carrefour du Cap est vacant, et certains délinquants profiteraient des coins inoccupés pour commettre des méfaits.
« Nos écoles collaborent avec la direction du centre commercial et la police de Trois-Rivières », dit Anne-Marie Bellerose, de la Commission scolaire Chemin-du-Roy.
Frédérick Martin Bernier, 15 ans, a réussi à entrer et à ressortir, hier, les mains pleines de bonbons pour ses amis et lui. Il ignore si le gardien a cru qu’il était majeur ou s’il lui a laissé un passe-droit, car il était calme et seul.« Je trouve que c’est inacceptable. Nous, on n’a rien fait. On achetait nos affaires et on ressortait tout de suite », dit-il.Le groupe Shapiro n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.