Lire les chroniques de Richard Martineau et Lise Ravary en
La monarchie va à l’encontre de toutes nos valeurs démocratiques.
On veut que les gens qui nous gouvernent soient choisis pour leur compétence. Ils gouvernent parce qu’ils ont le bon sang.
On veut séparer la religion et l’État. Ils disent régner par droit divin.
On veut que nos élus gèrent l’argent public de façon responsable. Ils dilapident tellement les fonds publics qu’ils font passer Michaëlle Jean pour Séraphin.
UN POINT D’ANCRAGE
Et que dire du féminisme ? Meghan Markle avait une carrière prometteuse. Elle l’a jetée aux poubelles pour devenir « la femme de… »
Elle aurait dû parler au fantôme de la princesse Grace avant de dire Oui. Reine du septième art, la star de Rear
Windows d’Alfred Hitchcock a tourné le dos à une brillante carrière pour s’enfermer dans une tour d’ivoire à Monaco.
La légende veut qu’elle y mourait d’ennui et ne rêvait que d’une chose : s’échapper de sa forteresse dorée pour retourner dans les studios sombres et poussiéreux de Hollywood.
Alors, pourquoi autant de gens ont-ils regardé le mariage royal, hier ? Pourquoi tout ce qui touche le couple Harry-Meghan se transforme-t-il en or ?
Comment expliquer cette passion pour une institution anachronique ?
Qui sait? C’est peut-être justement parce qu’elle est en contradiction flagrante avec son époque que la monarchie fascine autant.
Dans un monde en constante mutation, un monde tellement mouvant et tellement fluide qu’il est rendu à questionner l’existence même des genres (qui existent pourtant depuis Adam et Ève), la monarchie fait figure de point d’ancrage.
Elle est immobile, immuable, elle traverse les époques et les modes sans changer.
Oh, elle s’est un peu décoincée avec Diana et a pris de pâles couleurs avec Meghan, mais elle reste essentiellement la même.
Pour paraphraser la célèbre citation de Napoléon, un révolutionnaire qui s’est lui-même couronné empereur (on n’est jamais si bien servi que par soi-même) : du haut de ce trône en or, des siècles nous contemplent.
UN PEU DE MAGIE
Pour les Britanniques, la famille royale est la gardienne des traditions. Comme si on avait mis l’âme de l’Angleterre en bouteille afin de la conserver.
Vous vivez à Londres, regardez autour de vous et ne reconnaissez plus votre pays? Tournez-vous vers le château, il est là.
Tant que la monarchie britannique vivra, l’Angleterre restera l’Angleterre. C’est une police d’assurance contre les transformations sociales et démographiques qui bouleversent l’Occident.
Et puis, troisième raison qui pourrait expliquer la fascination que nous éprouvons tous plus ou moins pour cette institution : face au vent du cynisme qui balaie tout sur son passage, le mariage royal s’entête à faire vaciller la flamme fragile du romantisme.
« Le monde a besoin de magie », chantait Michel Rivard.
À l’ère des familles reconstituées, des enfants à trois parents biologiques et des poupées sans sexe (le retour aux G.I. Joe castrés de mon enfance), le beau Harry et la belle Meghan font figure de résistants.
On a beau avoir sorti les femmes des contes de fées, on ne sort pas les contes de fées de la femme.
Ce n’est pas parce qu’on est pour l’égalité et pour la parité qu’on ne rêve pas encore au beau chevalier assis sur son cheval blanc.
La flamme vacillante du romantisme face au cynisme…