Le Journal de Montreal

Il risque la radiation pour avoir remis du tabac à un détenu

L’avocat Alex Blanchette pourrait passer au moins six mois sans pratiquer

- CLAUDIA BERTHIAUME

Un avocat montréalai­s risque une radiation d’au moins six mois pour avoir fourni une importante quantité de tabac et un cellulaire à un détenu emprisonné à Bordeaux.

Entre 6 et 12 mois sans pratiquer : c’est ce qu’a réclamé hier le syndic adjoint du Barreau du Québec dans le dossier de Me Alex Blanchette.

L’avocat se retrouve devant le Conseil de discipline de son ordre profession­nel pour avoir commis des actes dérogatoir­es à l’honneur de sa profession, le 1er août 2015.

Ce jour-là, Alex Blanchette s’est rendu au Centre de détention de Montréal, communémen­t appelé prison de Bordeaux, pour rencontrer un de ses clients, accusé dans une affaire de possession de drogue.

Juste avant que l’avocat ne pénètre dans l’enceinte de l’établissem­ent, un homme lui a remis deux enveloppes destinées au détenu qu’il allait rencontrer.

Me Blanchette a ouvert les enveloppes et a constaté qu’elles contenaien­t du tabac et des documents. Il a toutefois affirmé ne pas avoir remarqué la présence d’un cellulaire.

Il n’est pas permis d’avoir un téléphone mobile en prison depuis plusieurs années. Et le tabac est complèteme­nt interdit depuis le printemps 2014.

L’avocat a néanmoins remis le tout à son client lors d’une rencontre au parloir de l’établissem­ent carcéral.

581 GRAMMES DE TABAC

Après la visite, les agents correction­nels ont trouvé le détenu en possession de 581 g de tabac et d’un cellulaire. Des biens qui ont une très grande valeur de contreband­e en prison (voir encadré).

Hier, devant le Conseil de discipline, celui qui est membre du Barreau depuis 2005 a affirmé qu’il ignorait que le tabac était interdit en prison et qu’il n’était pas au courant de toutes les règles de sécurité.

« C’est simplement une erreur de jugement. J’ai été stupide », a-t-il soutenu.

Pourtant, lors de l’enquête du syndic, l’avocat a déclaré par écrit qu’il ne croyait pas que c’était « si grave » de remettre du tabac à son client. Celui-ci briserait tout au plus une règle interne « sans trop de conséquenc­es », peut-on lire dans une décision du Conseil datant de février dernier, où Alex Blanchette a été reconnu coupable de deux manquement­s déontologi­ques.

Les conséquenc­es ont toutefois été très lourdes pour l’homme de loi, qui a dû se défendre en cour criminelle.

ABSOLUTION INCONDITIO­NNELLE

En janvier 2017, il a plaidé coupable à une accusation pour avoir fait le transport, la livraison et la distributi­on de produits du tabac. La juge Sylvie Durand lui a accordé l’absolution inconditio­nnelle quatre mois plus tard, ce qui signifie qu’il n’a pas de dossier criminel.

« Ça me revient tout le temps dans la face, je trouve que j’ai été assez puni. Je vous demanderai­s [seulement] une réprimande », a plaidé l’avocat au Conseil hier.

Pour le syndic adjoint du Barreau, il faut plutôt lancer un message clair à la communauté, en ordonnant la radiation provisoire de Me Blanchette.

« Si un avocat entre [des objets interdits] à un client [emprisonné], il ne s’en tirera pas avec une réprimande ou une amende », a insisté Me Nicolas Bellemare à la Maison du Barreau de Montréal.

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Le Conseil de discipline décidera d’ici deux mois du sort de Me Alex Blanchette, photograph­ié à sa sortie de la Maison du Barreau hier.

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