Le contrôle de Molson
Le rapport du Bureau de l’inspecteur général sur la gestion douteuse du dossier de la Formule E par un OBNL bidon est venu rappeler à beaucoup de Montréalais pourquoi ils avaient choisi de remercier Denis Coderre à la dernière élection.
Qu’on tienne l’ancien maire comme imputable du fiasco qu’il a érigé, c’est bien. Il y a pourtant lieu de se poser d’autres questions sur d’autres acteurs impliqués dans cette histoire, le groupe evenko au premier chef.
QUASI-MONOPOLE
Depuis le rachat du Groupe Spectacle Gillett par Geoff Molson et son entourage dans le cadre de la mégatransaction du rachat du Club de hockey Canadien, en 2009, le groupe evenko est peu à peu devenu le joueur le plus important de cette industrie au Québec. Tirant parti d’une politique d’acquisition volontaire et audacieuse, voire agressive, mais également de certains avantages préalablement consentis, comme l’exclusivité des spectacles au parc Jean-Drapeau, l’entreprise jouit désormais d’un quasi-monopole sur son secteur.
Osheaga, Heavy Montréal, îleSoniq sont des activités qui font le succès du groupe, pour le plus grand malheur des citoyens douillets de Saint-Lambert. Le Centre Bell, le Théâtre Corona, la Place Bell de Laval, L’Étoile Banque Nationale, L’Astral, le MTélus et Le Club Dix30 sont autant de salles qui sont gérées par evenko, parmi d’autres.
Autour de cette belle couronne se trouve une nouvelle gemme. Il s’agit d’une prise de participation majoritaire dans Juste pour Rire, en compagnie de Bell, le partenaire de toujours. On peut donc dire qu’en moins de dix ans, Geoff Molson et son groupe ont pris le contrôle de l’essentiel de l’offre de spectacles à Montréal, un succès indéniable.
FAIRE LA LUMIÈRE
Là où ça devient dangereux, c’est quand on découvre les cadeaux que certains politiciens auront consentis à evenko, que ce soit par accointance ou par crainte de se mettre à dos un joueur aussi important.
Le rapport du BIG dévoilé cette semaine démontre que Denis Coderre a tout fait pour que la Formule E soit gérée par cette entreprise, dont le vice-président Jacques Aubé compte parmi ses proches. Il s’est ensuite assuré qu’elle n’en essuie pas les pertes, en créant Montréal c’est électrique, alors que dans les autres villes qui reçoivent ces courses, c’est la FE qui paye pour rouler.
Cette situation maintenant exposée, les regards se tournent vers le parc Jean-Drapeau, pour lequel l’administration Coderre avait ficelé un plan d’aménagement clé en main pour evenko, au détriment des autres usages que les Montréalais en font.
Tout cela fait désordre. Qu’evenko soit devenu un si gros joueur de l’industrie du spectacle grâce au brio de ses gestionnaires, c’est une chose. Qu’elle bénéficie ensuite d’une telle bienveillance politique quant à la protection de ses intérêts d’affaires, c’en est une autre. Qui représente les citoyens quand le maire et le vice-président d’une entreprise aussi puissante sont copains comme cochons ?
On croirait que, jusqu’ici, le groupe evenko bénéficiait d’une certaine forme d’immunité à cause de la cote d’amour du plus gros joyau de la couronne de Geoff Molson, le Canadien de Montréal. Maintenant que sa lumière brille moins, il pourrait être bien d’en faire davantage sur le lien qui a uni ses entreprises aux pouvoirs politiques municipaux.