Le Journal de Montreal

Une décision courageuse

- MARIO DUMONT mario.dumont @quebecorme­dia.com

Justin Trudeau vient de prendre la décision la plus difficile de son mandat. Il avait déjà affirmé que le projet de pipeline Trans Mountain devait se réaliser. Il vient de prendre les grands moyens pour y arriver.

Je dois dire que je ne suis pas naturellem­ent chaud pour le modèle choisi. Investir 4,5 milliards de fonds publics dans un projet qui devrait être privé. Faire gérer une immense opération de constructi­on par le gouverneme­nt. Voilà des motifs d’inquiétude pour tous ceux qui sont réticents à voir l’État patauger à deux mains dans l’économie.

Le risque financier pour le gouverneme­nt canadien est considérab­le. Et quand on lit le rapport du Vérificate­ur général sur le système de paye Phénix, on peut se demander si le gouverneme­nt qui est incapable de sortir les chèques de paye sera le champion pour bien construire un oléoduc.

FORCÉ D’AGIR

Tout semble indiquer que le gouverneme­nt Trudeau n’avait toutefois pas beaucoup le choix. Le promoteur Kinder Morgan avait déjà annoncé qu’il cessait les travaux. L’opposition du gouverneme­nt de ColombieBr­itannique, les recours devant les tribunaux, les autochtone­s, les écolos, il y avait trop de risques à l’horizon d’être incapable de mener à bien le projet. Ils ont tout arrêté et cessé d’y pomper plus de fric.

La situation politique en Colombie-Britanniqu­e est au coeur du casse-tête. La province est gouvernée par une coalition fragile. Les 41 députés du NPD se sont alliés aux 3 verts pour gouverner devant les libéraux, qui sont 42. Donc, les verts détiennent la balance du pouvoir et tiennent le premier ministre Horgan par un endroit sensible. S’il dit oui au projet, son gouverneme­nt tombe.

Pour justifier l’investisse­ment de 4,5 milliards, il faut mettre dans la balance l’autre risque financier. Les pertes énormes découlant de la vente à prix trop bas du pétrole albertain. Le fait que ce pétrole soit enclavé et ait difficilem­ent accès au marché entraîne annuelleme­nt des pertes de milliards, pas seulement pour l’Alberta, mais aussi pour tout le Canada. La péréquatio­n n’est qu’une des façons par lesquelles nous, Québécois, bénéficion­s de ces retombées.

Les revenus aux gouverneme­nts liés à la constructi­on de Trans Mountain et à ses vingt premières années d’opération sont estimés à 47 milliards $. Un gouverneme­nt du Canada peut-il vraiment cracher là-dessus ? C’est ce que Justin Trudeau appelle un projet d’intérêt national.

COURAGE

La décision de Justin Trudeau a toutes les caractéris­tiques d’une décision courageuse : des risques importants, une avalanche de critiques et une portée à long terme. Quand je dis long terme, monsieur Trudeau devra vivre avec cette décision et ses conséquenc­es pendant des années, et cela inclut la prochaine campagne électorale.

Justin Trudeau avait obtenu l’appui de beaucoup d’idéalistes et d’écologiste­s. Sans s’opposer aux oléoducs, il critiquait les méthodes de consultati­on sous Stephen Harper. Les écolos qui avaient aimé son discours déchantent maintenant. S’ils retournent à ses assemblées politiques maintenant, ce sera à titre de manifestan­ts.

Mais c’est cela, gouverner. Prendre des décisions ardues et les assumer.

Justin Trudeau a pris une décision difficile mais courageuse hier dans le dossier de l’oléoduc Trans Mountain

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