Le Journal de Montreal

Odieux, répugnant… et répétitif

Un tweet raciste est à l’origine du retrait de l’émission des ondes

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

La comédienne Roseanne Barr a été mise à la porte d’ABC. Elle, dont l’émission éponyme est revenue en ondes en mars dernier après un hiatus de 20 ans, était raciste, antisémite et solidement bornée. C’est fou dans ce pays comme on aime donner des secondes chances.

Aucun doute, Roseanne, le show, avait, comme Donald Trump en 2016, trouvé un public en mal d’amour : ces Américains pris dans leur quotidien banal et stagnant, oubliés, délaissés… Middle America, comme on répète souvent. Avec Roseanne, version 2018, ils se voyaient enfin présenter un monde qui leur ressemblai­t.

Et ça leur a plu : 18 millions de téléspecta­teurs en direct pour la première le 27 mars ; 25 millions en y ajoutant le visionneme­nt en différé. Un succès ahurissant quand on sait que les patrons des grandes chaînes crient au triomphe quand leurs nouvelles émissions font 5 millions d’auditoires.

RATTRAPÉE PAR SON DÉLIRE

Sauf que Roseanne Barr est une solide tordue. Elle se vautre depuis des années dans les conspirati­ons les plus débridées : le gouverneme­nt mène des « expérience­s de contrôle de la pensée », le pape « possède presque tout l’argent du monde », les attentats du 11 septembre, c’est un coup du FBI et de la CIA et l’ex-directeur de campagne d’Hillary Clinton dirigeait un réseau de pédophilie dans la cave d’une pizzeria de Washington. Vous voyez le genre.

C’est Twitter qui l’a menée à sa perte. Sans finesse, elle y avait par exemple écrit, deux mois avant l’élection présidenti­elle de 2016, que « Huma Weiner, haïsseuse de juifs et assistante d’Hillary Clinton, est une sale pute nazie ». Sympathiqu­e.

Tôt hier matin, c’est contre Valerie Jarrett qu’elle a sévi, affirmant que l’ancienne conseillèr­e de Barack Obama était l’aboutissem­ent de l’union de musulmans et de singes. C’est d’ailleurs une de ses insultes favorites : elle avait décrit Susan Rice, l’ancienne conseillèr­e à la Sécurité nationale d’Obama, elle aussi Afro-Américaine, comme « un homme avec des grosses couilles pendantes de singe ».

ABC, qui avait pris le risque de reconfier l’antenne à une pareille lunatique, a vite tiré la plogue, indiquant que ses commentair­es étaient « odieux, répugnants et incompatib­les avec nos valeurs ». Z’auraient quand même dû voir venir le coup.

UNE ADMIRATION RÉCIPROQUE

Le surlendema­in du retour de Roseanne en ondes, Donald Trump avait vanté son succès : « Regardez ses cotes d’écoute ! Elles étaient incroyable­s. Plus de 18 millions de personnes et c’était au sujet de nous ! » avait-il clamé, en englobant d’un geste de la main ses partisans venus le voir en Ohio.

Il y a communion entre Roseanne Barr et Donald Trump, c’est incontesta­ble : le ton, la grossièret­é, mais surtout l’absence de filtre, de retenue. Elle-même comme son personnage étaient et restent de farouches partisans du 45e président américain.

Et il a une part de blâme, le Donald, pour ces pop-up de plus en plus fréquents de racisme public, d’antisémiti­sme flagrant et d’effritemen­t de la moindre décence commune. Ce n’est pas tant ce qu’il dit, mais ce qu’il incite à dire ; ce qu’il cautionne avec une politique d’intoléranc­e à l’égard des étrangers ; ce qu’il encourage en dénigrant les institutio­ns du pays ; ce qu’il provoque en donnant du crédit aux complots les plus insensés.

Je n’ai jamais eu de sympathie pour Roseanne Barr. Son personnage de « grosse vulgaire au grand coeur » ne m’a jamais attendri. Avec son dernier tweet raciste, elle a assumé son rôle jusqu’au bout : une « grosse vulgaire » qui n’aurait jamais dû avoir de place en prime time télé. Bon débarras !

Sauf que Roseanne Barr est une solide tordue. Elle se vautre depuis des années dans les conspirati­ons les plus débridées.

Avec ses 22 millions de téléspecta­teurs, Roseanne était la série la plus regardée à la télé américaine ce printemps. Un seul message raciste de sa vedette sur Twitter, hier matin, a tout foutu en l’air.

Quelques heures après que l’actrice Roseanne Barr ait causé un tollé sur le web pour une attaque contre une ancienne conseillèr­e de Barack Obama, la chaîne ABC a, dans une geste surprenant et lourd de conséquenc­es, annoncé l’annulation des 13 nouveaux épisodes de Roseanne, seul sitcom pro-Trump à la télé américaine.

« Le commentair­e de Roseanne sur Twitter est odieux, répugnant et incompatib­le avec nos valeurs, alors nous avons décidé d’annuler l’émission », a indiqué la présidente d’ABC Entertainm­ent, Channing Dungey, par voie de communiqué.

L’agence ICM Partners a annoncé qu’elle ne représente­rait plus les intérêts de la vedette à cause de son tweet « disgracieu­x et inacceptab­le ».

Tôt mardi matin, Roseanne Barr s’en est prise à Valerie Jarrett. « La fraternité musulmane et la planète des singes ont eu un bébé : VJ », a-t-elle écrit, dans une série de messages racistes et antisémite­s qui ont depuis été effacés.

EXCUSES INSUFFISAN­TES

Dénoncée de toutes parts, Barr a rapidement présenté ses excuses en prétextant une mauvaise blague. « Pardonnez-moi, c’était de très mauvais goût. »

Mais elle était allée trop loin. Ses excuses ont été insuffisan­tes. « Je suis très déçue d’elle, c’est le moins que je puisse dire », a déclaré sur Twitter l’actrice Sara Gilbert, qui est aussi productric­e exécutive de l’émission.

LOURDE PERTE POUR ABC

La résurrecti­on printanièr­e de Roseanne, 20 ans après la neuvième saison de la sitcom, avait été un pari gagnant pour ABC. Les nouveaux épisodes devaient être diffusés à l’automne. Une onzième saison avait même été commandée.

Outre Roseanne Barr, la série mettait en vedette John Goodman et Laurie Metcalf.

En jetant aux poubelles la saison 11 de Roseanne, ABC perd la locomotive de sa rentrée d’automne. Une lourde perte pour la chaîne, qui se retrouve avec un important trou à boucher dans sa programmat­ion.

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PHOTO D’ARCHIVES, AFP La chaîne ABC a annoncé hier qu’elle retirait de ses ondes l’émission de Roseanne Barr après son tweet raciste visant Valerie Jarrett, ancienne conseillèr­e d’Obama.
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