Le Journal de Montreal

Ce livre est vraiment con

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Vous avez levé les yeux au ciel quand Manon Massé parlait de remplacer le mot « patrimoine », jugé trop macho, par le mot « matrimoine » ? Attendez, vous n’avez encore rien vu ! Dans le livre Le roi des cons, qui vient de sortir, l’auteure affirme qu’il faut remplacer le mot « fraternité » dans la devise française « Liberté, égalité, fraternité » parce que… « fraternité » c’est trop macho et patriarcal.

LA POLICE DES MOTS

Le sous-titre du livre Le roi des cons est : Quand la langue française fait mal aux femmes. L’auteure française Florence Montreynau­d y fait toute une liste des mots qu’on ne doit plus utiliser, pour ne pas faire de peine aux femmes et cesser le sexisme.

Par exemple, page 9. Il ne faut plus traiter quelqu’un de « con » parce que ce mot est dans le Larousse depuis 1977 pour désigner « le sexe de la femme ». « Combien de comporteme­nts masculins sont motivés par la peur “d’avoir l’air d’un con”, c’est-à-dire d’une femme réduite à son vagin si méprisé ! », écrit-elle.

On nage ici dans le grand délire. Est-ce que traiter quelqu’un de cave c’est une insulte pour les sous-sols ? Qui traite son patron de con en pensant à une vulve ? Et que dire des insultes « tête de noeud » (en français) ou « dick » (en anglais) ?

Le mouvement féministe s’enfarge dans les fleurs du tapis

CHERCHER LA PETITE BÊTE NOIRE

Le mouvement féministe s’enfarge dans les fleurs du tapis. N’y a-t-il pas des combats plus urgents à mener ?

Oh zut, j’ai utilisé le mot « combat » ! Or, selon madame Montreynau­d, il ne faut JAMAIS utiliser les mots « combats » ou « armes » quand on fait référence au féminisme, car… ce sont des mots trop militaires, donc (beurk !!!) masculins. « Comment espérer changer ce monde brutal en employant le même lexique agressif ? » demande l’auteure.

Mais attendez. Ce n’est pas tout. Il ne faut plus dire « préliminai­res », car c’est trop axé sur la sexualité masculine. Plutôt que « femmes battues » il faut dire « victimes de violences du mari ».

Il ne faut plus dire « commère », car ce mot est péjoratif alors que son équivalent masculin « compère » est positif.

Et il ne faut plus dire « elle s’est fait violer » parce que ça laisserait entendre que la femme est volontaire. (On dit pourtant « Gérard s’est fait cambrioler » ou « Antoine s’est fait virer », non ?)

SE TROMPER DE CIBLE

J’allais écrire que ce livre fait partie de la longue liste des récents dérapages féministes. Mais attention ! À la page 106 de son livre, madame la donneuse de leçons affirme (sans rire) : « Plutôt qu’excès des féministes, dites action des féministes ». Selon elle, on ne peut pas parler d’« excès », car le féminisme n’a jamais tué, violé ou torturé.

Et elle ajoute : « Aucun mouvement social n’a été aussi inventif et joyeux que le féminisme ». Donc, il est défendu de dénoncer les dérapages, les erreurs, les niaiseries qui sont dites au nom du féminisme ?

Hahaha. Vraiment, ce livre est très con.

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