Gallant laisse la célébrité à ses joueurs
LAS VEGAS | Gerard Gallant a fait rire les journalistes hier lorsque l’un d’entre eux lui a demandé comment il composait avec la célébrité à Las Vegas. « Après tout, lui a fait valoir le journaliste, tu es l’une des figures les plus connues en ville. » Et l’entraîneur des Golden Knights de lui répondre du tac au tac : « Personne ne me connaît ! »
Gallant est trop modeste. Lors du premier match de la finale de la Coupe Stanley lundi soir, plusieurs spectateurs brandissaient des pancartes vantant ses mérites.
« Gerard Gallant pour président ! » était-il même inscrit sur l’une d’elles.
Non seulement la présidence des États-Unis n’est pas dans ses cordes, mais il n’est aucunement le genre à chercher de l’attention.
« Faire du hockey ici est différent de ce qu’on voit ailleurs », a continué Gallant.
« La popularité de notre équipe est incroyable. On a beaucoup de plaisir. Mais nous, les entraîneurs, n’avons pas le temps d’aller nous amuser au centreville. Nous avons beaucoup de travail.
« De toute façon, je suis un gars tranquille. J’aime m’accorder du temps pour me détendre. De plus, ce sont les joueurs qui représentent le visage de l’équipe. »
TOUT SEUL À SHERBROOKE
Pour ses connaissances, Gallant est toujours le Turk, un diminutif pour turkey. Le surnom lui a été accolé tout jeune par sa famille parce qu’il courait après les dindes de la ferme d’élevage que possédait un oncle.
Gallant a roulé sa bosse depuis que Georges Guilbeault, ancien directeur général des Castors de Sherbrooke, était allé le chercher dans sa ville native de Summerside, dans l’Île-duPrince-Édouard, pour jouer dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Il venait tout juste d’avoir 17 ans quand il a débarqué dans la Cité reine des Cantons de l’Est.
La transition ne fut pas facile. Gallant avait le mal du pays et il s’ennuyait terriblement de sa blonde Pam.
« Je ne parlais pas français et, à trois reprises, j’ai pensé rentrer chez moi », m’a-t-il raconté après son point de presse hier.
« À l’époque, c’était dur pour les joueurs des Maritimes de s’exiler (il n’y avait pas d’équipes des provinces de l’Atlantique dans la LHJMQ). On se sentait isolés du reste du monde. Je connais plusieurs joueurs qui ont laissé tomber leur carrière à cause de ça.»
TOUJOURS AVEC PAM
Les joueurs des Maritimes étaient peu nombreux dans la Ligue nationale dans le temps. Guilbeault ramenait toujours Gallant à la raison quand il traversait des moments de cafard. Un jour, il prit une décision qui a peut-être sauvé la carrière de Gallant.
« C’était durant la période des Fêtes à ma saison recrue avec les Castors », reprend Gallant.
« À partir de là, mon amie de coeur venait me voir une fois chaque mois. Elle voyageait par train de Halifax à Sherbrooke, où j’allais la cueillir à la gare avec Henry Crochetière (qui fut une grande figure du hockey mineur à Sherbrooke). »
Guilbeaut dut expliquer la situation aux autres joueurs, car il s’agissait d’une exception à un règlement de l’équipe. Les joueurs étaient logés dans une maison appelée La hutte des Castors.
« Ça m’a facilité la vie, ajoute Gallant. J’ai commencé à bien jouer à compter de ce moment. Georges vient premier parmi les personnes envers qui j’ai le plus de reconnaissance. On maintient le contact. Il m’envoie des textos pratiquement après chaque match. »
Les choses ont fonctionné à merveille aussi avec Pam puisqu’ils sont mariés depuis 32 ans. Ils sont les parents d’une fille et d’un garçon et grands-parents de deux petits-enfants.
L’INFLUENCE DE DEMERS
Gallant a amassé 101 points, dont 41 buts, à sa première campagne avec les Castors. Le joueur combatif qu’il était totalisa aussi 220 minutes de pénalité. Après la saison (1981), les Red Wings de Detroit l’ont repêché en sixième ronde (107e rang). Les Castors ont déménagé à Saint-Jean-surRichelieu à sa troisième saison.
Gallant a terminé son stage junior avec le Junior de Verdun, qui cette année-là (1982-1983) misait sur un dénommé Pat LaFontaine. Après une saison et demie dans la Ligue américaine, il se tailla un poste avec les Red Wings. C’est à Detroit que Jacques Demers est entré dans sa vie.
« Je m’inspire définitivement de lui dans mon rôle d’entraîneur », dit-il.
« Jacques était ce qu’on appelle un player’s coach dans le métier. J’ai connu mes quatre meilleures saisons dans le hockey sous sa direction (38, 34, 39 et 36 buts). Jacques savait comment te laisser à toi-même et quand c’était le temps de te pousser. Il m’a laissé jouer.
« Il n’était pas excessif comme certains entraîneurs de l’époque. Il entretenait des rapports humains avec ses joueurs. C’est ce que je cherche à faire avec mes joueurs. »
LE PROFESSEUR KING
Dave King, que l’on a vu comme entraîneur associé à Alain Vigneault, en est un autre qui a eu une influence sur la carrière d’entraîneur de Gallant. « Mon expérience dans le
coaching se limitait à trois années au niveau junior A lorsque je suis devenu entraîneur adjoint chez les Blue Jackets de Columbus », indique Gallant.
« Dave est un bon professeur pour les jeunes entraîneurs. Il m’a montré comment préparer une équipe pour les matchs. Il n’y avait pas un entraîneur plus compétent que lui à ce moment-là. »
Gallant a succédé à King, dirigeant les Blue Jackets sur un ensemble de trois saisons. Il a ensuite travaillé sous les ordres de Ted Nolan et de Scott Gordon durant deux ans avec les Islanders avant de se retrouver à la barre des Sea Dogs de Saint John, avec lesquels il a connu des succès phénoménaux.
MERCI À THERRIEN
C’est là qu’il se trouvait lorsque Michel Therrien l’a invité à faire partie de son personnel d’adjoints avec le Canadien.
« Je ne connaissais Michel que pour avoir joué contre lui dans les rangs juniors », mentionne Gallant.
« Son appel a eu un grand impact sur ma carrière. Je n’avais aucune idée de ce que l’avenir me réservait. Michel m’a permis de revenir dans la Ligue nationale. Nous sommes de bons amis aujourd’hui. »
Le cheminement de Gallant montre qu’un entraîneur doit se trouver au bon endroit au bon moment. La situation lui a échappé quand Dale Tallon a été remplacé par Tom Rowe au poste de directeur général des Panthers de la Floride. Il s’est senti sur la corde raide dès l’annonce de la nouvelle. Rowe l’a laissé sur le chemin, un soir en Caroline.
Aujourd’hui, Gallant est à trois victoires de mener les Golden Knights à la coupe Stanley et le choix logique au titre d’entraîneur de l’année dans la LNH.
Belle histoire que la sienne !