G7 : Un défi pour Trudeau
Par une séquence d’événements dont la cooccurrence ne tient pas tant du hasard que ça, le Canada s’apprête à accueillir le Sommet du G7, alors même qu’il se trouve au centre d’un jeu mondial portant sur la liberté des grandes nations de commercer entre elles.
On ne se serait pas attendu à ça. Après la guerre froide et l’effondrement du bloc de l’Est, on croyait se diriger vers une fin de l’histoire où les pays cheminant ensemble vers la prospérité ne pourraient faire autrement que d’évoluer dans la démocratie et la paix.
On a déchanté depuis. On s’est aperçu que les peuples qui ne profitaient pas de cet enrichissement en nourrissaient du ressentiment et pouvaient fréquenter des idéologies obscurantistes. Les gauches ont protesté contre cette vision néolibérale du monde où le politique cède le pas à l’économique.
N’en déplaise aux manifestants, toutefois, ce n’est pas eux qui ont porté le plus dur coup au navire apparemment insubmersible du nouvel ordre mondial. La brèche s’est ouverte à tribord.
L’AMÉRIQUE D’ABORD
Dans les régions industrielles dévitalisées, ce sont d’anciens syndiqués, ceux qui ne sont plus pensionnés, qui, en protestant contre une mondialisation qui a fait fermer leurs usines et souffrir leurs communautés, ont porté au pouvoir des politiciens populistes. Ceux-ci leur ont promis de cesser de chanter les louanges du multilatéralisme économique et de penser d’abord à eux, ces électeurs de la Pennsylvanie ou du Michigan.
Tant pis pour les travailleurs du Saguenay ou de la Côte-Nord. Ils ne votent pas aux États-Unis.
C’est dans ce contexte que se réunissent les leaders des pays qui ne sont plus les plus industrialisés. On n’invite toujours pas la Chine, le Brésil ou l’Inde à ces rencontres. On a mis la Russie dehors.
Au fond, le G7 ne prétend pas être autre chose que ce qu’on lui reproche d’être : un club sélect où les chefs de sept grandes démocraties libérales se retrouvent dans une atmosphère plus ou moins formelle et un décor bucolique pour discuter du sort du monde.
Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas utile et important.
Traditionnellement, on y a défendu l’action multilatérale en politique internationale, surtout lorsqu’il s’agit de policer les délinquants du concert des nations. On y a renforcé la coopération économique. Puis on a mis à l’ordre du jour des enjeux auxquels l’humanité doit faire face en bloc, comme les changements climatiques.
AIR AMICAL
Mais que fait-on lorsque le membre le plus musclé du groupe, jadis le plus gai des convives, ne veut plus jouer au multilatéralisme ? Comment agir ensemble quand il faut convaincre les autres de l’isoler, pour gagner ?
C’est le défi auquel fait face Justin Trudeau, l’hôte de cette rencontre. Accessoirement, il y est également notre représentant. Et, jusqu’ici, il ne nous a pas impressionnés en matière de diplomatie.
Depuis quelques semaines, il a pris du coffre, notamment en réponse à l’imposition de tarifs douaniers par les États-Unis. Devenu porte-parole des nations s’estimant lésées, il tentera de les convaincre de s’entendre sur une déclaration commune.
On ne saurait attendre de Justin Trudeau qu’il ramène dans le rang Donald Trump, le délinquant multirécidiviste. Cela dit, s’il réussit à maintenir l’unité parmi ses cinq autres invités, il aura déjà fait beaucoup.
Bref, si on peinait jusqu’ici à trouver d’autres vertus à l’action internationale de notre premier ministre que son air amical, c’est peut-être en fin de semaine que ça pourra enfin devenir utile.