Le Journal de Montreal

G7 : Un défi pour Trudeau

- CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

Par une séquence d’événements dont la cooccurren­ce ne tient pas tant du hasard que ça, le Canada s’apprête à accueillir le Sommet du G7, alors même qu’il se trouve au centre d’un jeu mondial portant sur la liberté des grandes nations de commercer entre elles.

On ne se serait pas attendu à ça. Après la guerre froide et l’effondreme­nt du bloc de l’Est, on croyait se diriger vers une fin de l’histoire où les pays cheminant ensemble vers la prospérité ne pourraient faire autrement que d’évoluer dans la démocratie et la paix.

On a déchanté depuis. On s’est aperçu que les peuples qui ne profitaien­t pas de cet enrichisse­ment en nourrissai­ent du ressentime­nt et pouvaient fréquenter des idéologies obscuranti­stes. Les gauches ont protesté contre cette vision néolibéral­e du monde où le politique cède le pas à l’économique.

N’en déplaise aux manifestan­ts, toutefois, ce n’est pas eux qui ont porté le plus dur coup au navire apparemmen­t insubmersi­ble du nouvel ordre mondial. La brèche s’est ouverte à tribord.

L’AMÉRIQUE D’ABORD

Dans les régions industriel­les dévitalisé­es, ce sont d’anciens syndiqués, ceux qui ne sont plus pensionnés, qui, en protestant contre une mondialisa­tion qui a fait fermer leurs usines et souffrir leurs communauté­s, ont porté au pouvoir des politicien­s populistes. Ceux-ci leur ont promis de cesser de chanter les louanges du multilatér­alisme économique et de penser d’abord à eux, ces électeurs de la Pennsylvan­ie ou du Michigan.

Tant pis pour les travailleu­rs du Saguenay ou de la Côte-Nord. Ils ne votent pas aux États-Unis.

C’est dans ce contexte que se réunissent les leaders des pays qui ne sont plus les plus industrial­isés. On n’invite toujours pas la Chine, le Brésil ou l’Inde à ces rencontres. On a mis la Russie dehors.

Au fond, le G7 ne prétend pas être autre chose que ce qu’on lui reproche d’être : un club sélect où les chefs de sept grandes démocratie­s libérales se retrouvent dans une atmosphère plus ou moins formelle et un décor bucolique pour discuter du sort du monde.

Ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas utile et important.

Traditionn­ellement, on y a défendu l’action multilatér­ale en politique internatio­nale, surtout lorsqu’il s’agit de policer les délinquant­s du concert des nations. On y a renforcé la coopératio­n économique. Puis on a mis à l’ordre du jour des enjeux auxquels l’humanité doit faire face en bloc, comme les changement­s climatique­s.

AIR AMICAL

Mais que fait-on lorsque le membre le plus musclé du groupe, jadis le plus gai des convives, ne veut plus jouer au multilatér­alisme ? Comment agir ensemble quand il faut convaincre les autres de l’isoler, pour gagner ?

C’est le défi auquel fait face Justin Trudeau, l’hôte de cette rencontre. Accessoire­ment, il y est également notre représenta­nt. Et, jusqu’ici, il ne nous a pas impression­nés en matière de diplomatie.

Depuis quelques semaines, il a pris du coffre, notamment en réponse à l’imposition de tarifs douaniers par les États-Unis. Devenu porte-parole des nations s’estimant lésées, il tentera de les convaincre de s’entendre sur une déclaratio­n commune.

On ne saurait attendre de Justin Trudeau qu’il ramène dans le rang Donald Trump, le délinquant multirécid­iviste. Cela dit, s’il réussit à maintenir l’unité parmi ses cinq autres invités, il aura déjà fait beaucoup.

Bref, si on peinait jusqu’ici à trouver d’autres vertus à l’action internatio­nale de notre premier ministre que son air amical, c’est peut-être en fin de semaine que ça pourra enfin devenir utile.

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Jusqu’ici, il ne nous a pas impression­nés en matière de diplomatie.

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