« Je méritais la victoire »
Jean-Pierre Jarier a tout fait sauf gagner à Montréal en 1978
Jean-Pierre Jarier a vécu les années noires de la F1, à une époque où les accidents mortels étaient hélas fréquents sur les circuits de course.
« J’ai roulé pendant la période la plus dangereuse de la discipline, dit cet ancien pilote français. C’était fou. Plusieurs de mes coéquipiers sont morts, dont Peter Revson et Tom Pryce. »
N’empêche que c’est à la suite du décès tragique de Ronnie Peterson à Monza, survenu quelques semaines plus tôt, qu’il a pu participer au premier Grand Prix disputé à Montréal il y a 40 ans.
Aujourd’hui âgé de 71 ans, Jarier, très généreux de son temps, a accepté d’ouvrir l’album souvenir de sa participation.
Nous l’avons rencontré dans un restaurant de Monaco il y a quelques semaines, à proximité de son bureau où il dirige son entreprise, Jean-Pierre Jarier Events, spécialisée dans l’organisation d’événements promotionnels depuis plus de 25 ans.
Jean-Pierre Jarier n’a pas connu une carrière aussi prolifique que quelques-uns de ses compatriotes les plus célèbres, dont évidemment Alain Prost, mais il a frôlé l’exploit à quelques reprises en F1.
Et c’est à Montréal qu’il n’a jamais été aussi près de gagner.
Les plus vieux, et tous ceux qui avaient bravé le froid, en ce 8 octobre 1978, ne peuvent oublier celui qui aura été l’un des grands animateurs de cette épreuve inaugurale à l’île Notre-Dame. Celui qui aurait pu, et sans doute voulu, jouer les trouble-fête.
AVANCE DE 30 SECONDES
« Je m’en rappelle comme si c’était hier, relate-t-il en entrevue au Journal de Montréal. J’avais obtenu la position de tête, pris un excellent départ avant qu’une fuite de liquide du système de freins, à une vingtaine de tours de la fin, ne vienne ruiner mes efforts. »
Jarier s’était forgé une avance d’environ 30 secondes en tête avant d’être contraint à l’abandon.
« Montréal, poursuit-il, a été à l’image de ma carrière. Des malchances à répétition. Mais là, franchement, je méritais la victoire. »
On connaît la suite. Il a offert la victoire à Gilles Villeneuve sur un plateau d’argent. Certains ont dit qu’il avait trop sollicité sa monture sur un tracé aussi exigeant. Qu’il a couru après sa perte.
Il n’était pas surnommé « Godasse de plomb » pour rien. Il avait cette réputation d’avoir le pied pesant.
À WATKINS GLEN UNE SEMAINE AVANT
Après la mort de Peterson, c’est Jarier, sans volant après le Grand Prix de Long Beach présenté quelques mois plus tôt, qui a lui-même contacté le patron de l’écurie Lotus, Colin Chapman, pour offrir ses services. Il ne restait que deux étapes du championnat à disputer, les Grands Prix des États-Unis et du Canada.
« Je l’ai appelé, raconte-t-il, et il a accepté. Je me suis déplacé vers le circuit de Watkins Glen [dans l’État de New York] en payant toutes mes dépenses de voyage, billets d’avion et hébergement.
« Je ne voulais pas lui demander d’argent. J’étais un passionné, je voulais rouler en F1. »
Ce volant était très convoité. Il a procuré cette année-là le Championnat du monde à Mario Andretti.
« Je voyais une opportunité en or de prouver que j’avais ma place en F1, a-t-il renchéri. Et je l’ai fait. Par contre, je n’ai jamais rallié l’arrivée lors de deux courses avec ma nouvelle équipe. »
À Watkins Glen, à sa première tentative, Jarier s’y présente sans avoir piloté la Lotus 79 en essais privés.
« Le siège était moulé selon le gabarit de Peterson, explique-t-il. J’ai eu mal dès mes premiers tours de roue. Je me suis cassé une côte.
« Qualifié 8e, je suis victime d’une crevaison. Je dois m’arrêter, mais pour changer une roue, à l’époque, ça prenait 45 secondes, presque un tour.
« À mon retour en piste, je roule presque deux secondes plus vite que les autres, dont mon coéquipier Andretti. Je me hisse à la troisième place, jusqu’à ce que, boum ! la voiture s’arrête. Panne d’essence. J’ai toujours dit que je n’étais pas né sous une bonne étoile. »
« MONTRÉAL A ÉTÉ À L’IMAGE DE MA CARRIÈRE. DES MALCHANCES À RÉPÉTITION. » – Jean-Pierre Jarier