Le Journal de Montreal

Une directive au premier ministre du Canada

- LOUIS BUTCHER

Malgré sa déveine en 1978, Jean-Pierre Jarier garde de bons souvenirs de Montréal, en nous racontant une anecdote particuliè­rement savoureuse qui démontre clairement que la F1 a bien changé.

Après avoir obtenu la position de tête, on lui demande de rencontrer le premier ministre du Canada, à qui on avait confié la tâche de donner le départ. Pas de farce.

« Pierre Elliott Trudeau ne savait pas, souligne-t-il, comment procéder pour libérer le peloton et comme je m’élançais de la première position, je lui avais donné quelques conseils.

« Je lui ai dit qu’il fallait agir vite parce que les voitures n’avaient pas de ventilateu­rs et qu’il y avait risque de surchauffe. Je l’ai avisé qu’il devait attendre que la dernière monoplace soit immobilisé­e sur la grille pour actionner le feu vert.

« Il m’a alors demandé si on avait des rétroviseu­rs. Je lui ai répondu : “Bien évidemment.” On s’est donc entendus sur la procédure.

« Ainsi, quand j’ai constaté que toutes les voitures s’étaient arrêtées [ou presque…], il m’a regardé et je lui ai fait signe de donner le départ. »

DÉPARTS ARRÊTÉS, VRAIMENT ?

À cette époque, les départs, quoiqu’en position arrêtée, étaient donnés sans véritable consigne.

Les monoplaces s’arrêtaient à peine entre le feu rouge et les feu vert et il n’y avait pas de capteurs pour sanctionne­r ceux qui anticipaie­nt le départ. Tous les pilotes trichaient.

Comme quoi la sécurité n’était pas une priorité. Aujourd’hui, une seule personne est autorisée à donner le départ du Grand Prix, soit Charlie Whiting, le directeur de course de la Fédération internatio­nale de l’automobile.

« JE NE VOULAIS PAS MOURIR »

S’il n’a jamais gagné un Grand Prix, si ce n’est une course de F1 hors championna­t à Laguna Seca en Californie en 1975 (au volant d’une Shadow), Jarier ne regrette rien. « Je n’ai jamais voulu mourir même si j’ai exercé un métier dangereux, surtout à mon époque. J’adore la vie. Aujourd’hui, je suis devant vous à raconter mon histoire, alors que d’autres ne sont plus là. « J’ai eu une enfance difficile, avoue-t-il. Mon père a quitté le domicile familial quand j’avais six ans, je ne l’ai plus revu. Ma mère, elle, était pratiqueme­nt absente, car elle dirigeait un restaurant. Mais, j’ai survécu à tous ces obstacles. J’ai fait mes études en droit et en ingénierie. » On a dit de lui qu’il a été un des pilotes les plus éduqués de l’histoire de la F1.

Jean-Pierre Jarier compte 134 départs, échelonnés de 1971 à 1983, en F1, et trois présences sur le podium, toutes sur la troisième marche : à Monaco en 1974 (écurie Shadow) ainsi qu’en Afrique du Sud et en Grande-Bretagne en 1979. Sa carrière en F1 a pris fin au Grand Prix d’Afrique du Sud, à Kyalami, en 1983.

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