Montréal doit nettoyer un égout à ciel ouvert
Des eaux usées de 218 immeubles déversées dans un ruisseau
Montréal est sommée par un juge de décontaminer un ruisseau où elle laisse plus de 200 immeubles déverser leurs eaux usées impunément depuis des années.
La pollution est telle que le ruisseau qui serpente sur les territoires de Côte-Saint-Luc et Montréal-Ouest avant d’atteindre Montréal est qualifié d’« égout à ciel ouvert » dans le jugement.
C’est que 218 immeubles construits au bord du cours d’eau y déverseraient leurs eaux usées en toute impunité, d’après une enquête de la Ville de Montréal elle-même, indique la Cour.
Sur place, une odeur nauséabonde se dégage de l’eau noirâtre.
Entre 2002 et 2012, la Ville a échantillonné l’eau à répétition. Les taux de contaminants, y compris des métaux lourds, y dépassaient des records.
Pourtant, la Ville a retiré le cours d’eau du programme de protection de mise en valeur des ruisseaux et des lacs intérieurs en 2004. Elle a même cessé de l’échantillonner.
Le propriétaire du Club de golf Meadowbrook, à travers lequel coule le ruisseau, se bat depuis 2012 avec la Ville pour qu’elle dépollue le cours d’eau.
Mais « Montréal se refuse d’agir et laisse traîner le problème », écrit la juge Chantal Corriveau.
Le propriétaire du golf a donc décidé de se tourner vers les tribunaux pour forcer la Ville à régler le problème, ce qu’il a obtenu de la part de la juge Corriveau, le 7 juin.
QUI POLLUE ?
La Ville refuse toutefois de dépolluer, car les immeubles à la source de la contamination seraient, selon elle, situés sur le territoire des municipalités voisines : Côte-SaintLuc et Montréal-Ouest.
Montréal a tenté de forcer ses voisines à intervenir en s’adressant elle aussi à la justice, en vain.
« La Ville n’a pas été capable de convaincre les juges que Montréal-Ouest et Côte-SaintLuc sont au coeur du problème, pourtant c’est le cas », estime Daniel Green, de la Société pour vaincre la pollution.
Selon l’écologiste, le jugement Corriveau crée « un dangereux précédent », puisque les pollueurs s’en tirent à bon compte.
CANALISATION
M.Green craint par ailleurs que le jugement ouvre la porte à la canalisation du ruisseau, soit à son enfermement dans un tuyau comme un vulgaire égout, une option évoquée par la juge dans sa décision.
Le Conseil régional de l’environnement de Montréal s’oppose à cette option. « L’heure est à la réhabilitation et à la revalorisation des cours d’eau urbains, pas à leur transformation en égouts », insiste l’organisme. La Ville de Montréal a indiqué au
Journal ne pas pouvoir commenter le dossier car il est actuellement devant la Cour d’appel. Elle souligne ne pas s’opposer à la décontamination du cours d’eau.