Le Journal de Montreal

De selfies et de coyotes

- LISE RAVARY Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

C’est le monde à l’envers. J’habite la campagne, la vraie. De mes fenêtres, je ne vois que du vert. Et pourtant, je n’ai jamais aperçu un seul coyote dans les environs. Je vois des chevreuils, des renards, des lièvres, des lynx et j’entends des coyotes la nuit, mais le jour, ils sont invisibles, tout comme les loups, et les ours avec qui je partage, dit-on, mon coin de pays.

Avant de m’installer au fin fond de nulle part, par choix, j’habitais Ahuntsic, ou Coyoteland.

Pauvres bêtes. Elles doivent être terrifiées. Le coyote appartient à la forêt. Imaginez ce que représente pour lui traverser le boulevard Henri-Bourassa !

Maintenant que nous l’avons chassé de son habitat en voulant étendre le nôtre, nous souhaitons qu’il soit chassé, trappé, tué. Anéanti. Je comprends les parents qui veulent protéger leurs jeunes enfants. Moi, qui suis une vraie maman ourse, je m’inquiétera­is pour mes petits aussi.

CHACUN SA TANIÈRE

La solution à la migration des animaux sauvages vers la ville n’appartient pas aux individus ni aux villes, mais à la société. Nous voulons vivre dans des campagnes artificiel­les, appelées « banlieues », parce que c’est moins cher, parce que les cours arrière sont plus grandes, parce que la ville n’est plus accueillan­te pour les familles. Que de bonnes raisons, certes, mais ce faisant, nous avons repoussé des animaux sauvages vers la ville et bouleversé l’ordre naturel des choses, persuadés de pouvoir tout contrôler, de tout posséder, juste à y mettre le prix.

L’humain apprendra-t-il un jour qu’il ne peut contrôler la nature ? Qu’elle aura toujours le dernier mot ? Et qu’un animal sauvage, aussi beau et enjoué soit-il, demeure sauvage.

Il paraît qu’il y a des résidents d’Ahuntsic qui essaient de prendre des selfies avec des coyotes. Si j’étais un coyote, je mordrais, moi aussi.

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