Bombardier sur la sellette pour un contrat controversé en Russie
L’entreprise a contribué à construire un chemin de fer utilisé à des fins militaires
Bombardier se retrouve une fois de plus dans l’eau chaude en Russie, cette fois-ci pour avoir participé à la construction d’un chemin de fer qui facilite des interventions militaires en Ukraine, pourtant un allié du Canada.
Le Globe and Mail a révélé hier que la filiale ferroviaire de la multinationale québécoise, Bombardier Transport, a décroché l’an dernier un contrat de systèmes de signalisation de 8 M$ pour le nouveau chemin de fer, qui vient d’entrer en service. Surnommé « Ukraine Bypass », il remplace une voie ferrée de l’ère soviétique qui passait en partie sur le territoire ukrainien.
« Il est vrai que l’armée russe a supervisé les travaux du chemin de fer, mais présenter ce projet comme un projet à vocation militaire n’est pas appuyé par les faits, affirme un porte-parole de Bombardier, Olivier Marcil. La réalité est qu’on peut se procurer un billet de passager sur le site web des Chemins de fer russes, comme c’est le cas pour n’importe quel autre service de transport en commun. »
Mais pour Dominique Arel, professeur à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire en études ukrainiennes, il ne fait pas de doute que le chemin de fer « sert plus à des fins militaires qu’à des fins de transport de passagers ».
M. Arel note que des combattants russes se rendent fréquemment dans le pays voisin pour soutenir les séparatistes de la région ukrainienne du Donbass. Le nouveau chemin de fer a déjà permis à la Russie d’accroître sa présence militaire à la frontière avec l’Ukraine, note-t-il.
PAS DE COMMENTAIRE
La Caisse de dépôt et placement, qui possède 30 % de Bombardier Transport, n’a pas voulu réagir hier.
Bombardier a des activités en Russie depuis 1996 et vend de l’équipement aux Chemins de fer russes depuis près de 10 ans. Le contrat pour l’Ukraine Bypass « n’entre pas dans les interdictions imposées par les sanctions canadiennes » contre la Russie, précise M. Marcil.
Selon lui, l’article du Globe relève du « sensationnalisme ».
OTTAWA LAISSE PASSER
Quoi qu’il en soit, Dominique Arel s’étonne qu’Ottawa ne soit pas intervenu pour empêcher Bombardier de conclure le contrat avec la Russie.
« C’est très étrange que le gouvernement canadien ait laissé passer ça », affirme-t-il.
Rappelons que l’an dernier, la Suède a accusé de corruption un ancien cadre russe de Bombardier Transport, Evgeny Pavlov, concernant la vente de systèmes de signalisation à l’Azerbaïdjan. M. Pavlov a été acquitté l’automne dernier, mais l’affaire est en appel.