Le Journal de Montreal

QUÉBEC A PERDU 450 M$

Prêts aux entreprise­s depuis 5 ans

- SYLVAIN LAROCQUE

Au cours des cinq dernières années, le gouverneme­nt du Québec a perdu pas moins de 450 M$ dans des prêts faits à des entreprise­s qui ont connu des difficulté­s financière­s ou qui ont carrément fait faillite.

L’an dernier seulement, le Fonds du développem­ent économique (FDE) a dû radier pour 143 M$ de prêts irrécupéra­bles. La perte moyenne annuelle s’élève à 90 M$ depuis 2013-2014.

Cela signifie que, chaque année, Québec doit dire adieu à 5 % de la valeur totale des prêts consentis à des entreprise­s.

Ce taux de radiation est nettement supérieur à celui du bras financier du gouverneme­nt, Investisse­ment Québec, qui a atteint 2 % au cours des cinq dernières années. Et il est 10 fois plus élevé que celui de la Banque de développem­ent du Canada, une société d’État fédérale. Notons que les critères de financemen­t de ces deux institutio­ns sont plus stricts.

« Plusieurs vont être d’accord pour que le gouverneme­nt prenne un peu de risques, mais il faut que cela en vaille la peine. Si c’est pour financer des entreprise­s mal gérées dans des secteurs où il n’y a pas d’innovation, c’est jeter de l’argent à l’eau », affirme Michel Magnan, professeur de comptabili­té à l’Université Concordia.

LES NOMS TENUS SECRETS

Québec refuse de divulguer le nom des entreprise­s qui ont cessé de rembourser leurs prêts « afin de ne pas causer de préjudices et de respecter la confidenti­alité des dossiers », indique un porte-parole, Jean-Pierre D’Auteuil.

Les intérêts perçus sur les prêts sont loin de permettre à Québec de se renflouer. L’an dernier, le gouverneme­nt a touché 93 M$ en intérêts, mais a dû débourser 82 M$ en intérêts sur les emprunts qu’il a dû réaliser pour ensuite prêter aux entreprise­s.

Il faut dire que des prêts totalisant 677 M$ ont été faits sans intérêt. Cela représente près de 40 % de la valeur de tous les prêts courants.

Dans les états financiers du FDE, qui regroupe toutes les aides du gouverneme­nt aux entreprise­s, on précise par ailleurs qu’en date du 31 mars, on comptait pour 167 M$ de prêts « dont le recouvreme­nt n’est pas raisonnabl­ement assuré ».

DES ASSOUPLISS­EMENTS AUSSI

À cela s’ajoutent pour 468 M$ de prêts « restructur­és », dont les modalités ont été assouplies en raison des difficulté­s financière­s des emprunteur­s.

Le gouverneme­nt se doit d’appuyer des projets audacieux dans lesquels les banques commercial­es ne veulent pas s’embarquer, souligne Marie-Soleil Tremblay, professeur­e à l’École nationale d’administra­tion publique. « Si on veut stimuler l’innovation et l’entreprene­uriat, investir seulement dans des projets qu’on sait qu’ils vont fonctionne­r, je ne suis pas sûre que c’est comme ça qu’on va avancer beaucoup comme société », insiste-t-elle.

La spécialist­e estime toutefois, à l’instar de M. Magnan, que le gouverneme­nt devrait donner plus de détails sur les retombées et les coûts réels de l’aide financière aux entreprise­s.

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PHOTO D’ARCHIVES, SIMON CLARK Le Fonds du développem­ent économique est sous la responsabi­lité du ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, que dirige Dominique Anglade depuis janvier 2016.

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