Bonjour/Hi !
« Hein ? Un journaliste anglophone dans mon journal ? »
Eh oui, on est en 2018 ! Oui, je suis un journaliste anglophone. J’ai travaillé pendant la majeure partie de ma carrière à l’Assemblée nationale du Québec.
À l’Assemblée, tout se déroule en français. Mais moi, j’écrivais en anglais. Appropriation culturelle ?
En fait, même si, de nos jours, 94,5 % des Québécois parlent le français, il existe des communautés anglophones au Québec et d’autres personnes qui lisent ou écoutent leurs nouvelles dans la langue de Richler.
OUVERT SUR LE MONDE
J’habite à Québec, mais je suis souvent à Montréal. Chaque fois qu’on me lance un « Bonjour/Hi ! » dans un commerce de Montréal, c’est une surprise. Je réponds « Kwe » ou « Hola » ou « Bonjour ». Des fois, pourquoi pas, je réponds « Bonjour/Hi » !
Nous avons certainement d’autres problèmes existentiels au Québec, comme les changements climatiques, les menaces d’un gouvernement américain qui démantèle les ententes commerciales et les institutions de collaboration multilatérale.
La Charte de la langue française, en vigueur depuis plus de 40 ans, a changé le Québec. La plupart des enfants des immigrants fréquentent les écoles francophones et maîtrisent le français. Ils parlent aussi l’anglais et d’autres langues, comme Sugar Sammy, qui fait ses spectacles en français, en anglais, en hindi et en punjabi.
Notre Québec est ouvert sur le monde. La clientèle de nos entreprises, comme les CAE et les Bombardier, est planétaire. Le Cirque du Soleil et Céline Dion sont connus partout sur la Terre.
UNE IDENTITÉ EN MUTATION
Je suis toutefois un peu troublé par cette campagne électorale. Toutes les formations politiques admettent que le Québec a besoin de l’immigration, de préférence de pays francophones ou hispanophones.
Or, l’une des principales sources d’immigrants, au Québec, c’est le Maghreb, c’est-à-dire les pays d’Afrique du Nord où le français est une langue parlée couramment. Certains voient ces gens comme une menace à l’identité québécoise, à la langue française.
Le gouvernement sortant a fait adopter une loi afin de limiter le port du niqab par une femme de confession musulmane. Les trois partis de l’opposition veulent empêcher le port de signes religieux par les personnes en autorité. Ils citent les recommandations de Bouchard-Taylor, sans mentionner la répudiation de cette position par Charles Taylor.
L’identité des Québécois serait menacée par une étudiante en techniques policières qui voudrait porter le hijab ? Voyons donc !
L’identité des Québécois, comme l’identité des Ontariens, est toujours en mutation. Le monde change et nous sommes toujours enrichis par ces changements.
Il y a 50 ans, le port des casquettes au Québec était plutôt un phénomène rural. Le port des tatouages était moins commun.
Les athlètes portaient leurs cheveux courts et se rasaient, en opposition aux « hippies » barbus avec les cheveux longs.
De nos jours, les joueurs de football portent les cheveux longs. Les joueurs de hockey sont barbus. Les « hipsters » se rasent la tête. Les choses changent.
Est-ce que le port généralisé de casquettes et de tatouages, de plus en plus accepté, menace l’identité québécoise ? On ne parle jamais de ça.
Mais les hijabs ? Ça fait capoter les gens.
En tant que journaliste, je croise bien des personnes en autorité et je n’ai jamais vu un ou une juge porter un signe religieux. Mais, pourquoi pas ? Par contre, j’ai déjà été examiné par une femme médecin qui portait un hijab. J’ai été très bien soigné.
Le Québec a besoin du monde. Et leur façon de s’habiller, de se coiffer est un détail. L’interdiction des signes religieux est une solution à un problème qui n’existe pas.
Kevin Dougherty a couvert les activités de l’Assemblée nationale
pendant près de 20 ans. Il collabore au site iPolitics.