Le Journal de Montreal

Elles sont incapables d’avoir un Stop

Deux aînées contactent en vain leur arrondisse­ment pour sécuriser la rue qui lie leur résidence à un hôpital

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Lise et Thérèse ont 79 ans. L’une a un stimulateu­r cardiaque, l’autre une prothèse au genou. Tout ce qu’elles veulent, c’est un arrêt obligatoir­e au coin de leur résidence pour sécuriser l’intersecti­on qui les mène à l’hôpital. Six mois après avoir fait la demande à l’arrondisse­ment Rosemont-La Petite-Patrie, c’est toujours le silence radio.

« Regardez ça, il y a des voitures qui arrivent de partout, et des voitures stationnée­s partout, on n’a aucune visibilité, c’est très stressant de traverser », soupire Lise Vaillancou­rt en me montrant une voiture lui coupant le passage alors qu’elle tente de traverser l’intersecti­on des rues Saint-Zotique et de Pontoise.

À LEUR RISQUE ET PÉRIL

Au coin de ces rues, il n’y a effectivem­ent ni marquage au sol, ni arrêt obligatoir­e, ni feu de circulatio­n.

Il faut s’imposer dans la rue pour forcer les voitures à nous laisser passer. Pas toujours évident quand tous tes sens sont au ralenti. Les quelque 380 résidents de l’établissem­ent où vivent Lise et Thérèse utilisent souvent ce passage, et tous ceux que j’ai croisés m’ont dit être très insécurisé­s par la traversée.

Ils ont raison d’avoir peur. Chaque année, plus de 50 % des piétons impliqués dans des collisions sont des personnes âgées de 65 ans et plus, selon les données de la Société de l’assurance automobile du Québec.

À Montréal seulement, plus de 1000 piétons en moyenne sont blessés annuelleme­nt, et entre 10 et 20 perdent la vie.

L’aménagemen­t des rues, trop souvent conçu pour les voitures et les adultes pouvant se déplacer rapidement, met les autres usagers en péril.

LES MEILLEURS DÉLAIS, VRAIMENT ?

Vu que les arrêts ne poussent pas dans les arbres, Lise Vaillancou­rt et son amie Thérèse Desrochers ont décidé de passer à l’action en écrivant un courriel à l’arrondisse­ment en mai dernier.

Elles y expliquaie­nt que l’ajout d’arrêts aux quatre coins de rue serait plus efficace à leur avis qu’un simple marquage au sol, peu visible le soir, et encore moins l’hiver.

Les deux ont reçu le même message automatisé, qu’elles m’ont transmis.

« Votre demande a été transmise à la division des Études techniques afin qu’une personne-ressource puisse y donner suite dans les meilleurs délais. »

J’ai contacté l’arrondisse­ment de Rosemont-La Petite-Patrie pour savoir s’il était normal de n’avoir aucun retour six mois après une requête.

« [On] ne communique pas systématiq­uement avec tous les citoyens qui effectuent des requêtes », nous a-t-on répondu.

Toutefois, on me confirme avoir reçu les demandes de Lise et Thérèse, mais impossible de savoir s’ils vont procéder à la mise en place du stop réclamé par nos chères dames. Au passage, j’apprends que l’arrondisse­ment reçoit plus de 45 000 demandes par an.

OK, je peux comprendre qu’ils n’ont pas les ressources pour faire un suivi avec tout le monde. Il faudrait peut-être juste changer la formulatio­n du message automatisé et laconique qui donne l’impression qu’une gentille fonctionna­ire vous contactera dans les trois jours ouvrables qui suivent la réception de la requête.

Alors, si les signalemen­ts à l’arrondisse­ment ne donnent pas forcément un résultat, ou du moins pas un résultat rapide, que faut-il faire pour sécuriser nos milieux de vie ?

MARCHES EXPLORATOI­RES

Des organismes tiennent des marches exploratoi­res, des activités où les citoyens identifien­t les problémati­ques de quelques intersecti­ons, puis les organisate­urs transmette­nt l’informatio­n à des représenta­nts de la Ville.

Les résultats sont parfois très rapides, me confirme le coordonnat­eur Raphaël Massé, me donnant l’exemple de plusieurs marquages au sol effectués à Saint-Léonard, où s’est tenue la dernière marche.

Le Centre d’écologie urbaine a publié récemment le guide « J’identifie, j’agis ». Un document disponible en format papier et web, qui permet de signaler un problème d’aménagemen­t en quelques minutes, en identifian­t les bonnes personnes à contacter.

Mais si on veut vraiment diminuer le nombre de piétons blessés, il faut diminuer le nombre de voitures sur les routes, affirme la chercheuse en sécurité routière Marie-Soleil Cloutier.

« On doit améliorer toutes les autres offres de transport, tant pour des raisons de sécurité que d’environnem­ent », souligne la professeur­e à l’Institut national de la recherche scientifiq­ue.

Mais me semble que tant que ça prendra des mois pour avoir un simple suivi sur une demande d’installati­on de Stop, on est en droit de douter que nos institutio­ns vont réellement améliorer l’offre de transport.

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Lise Vaillancou­rt et Thérèse Desrochers à l’intersecti­on que plusieurs des 380 aînés de leur résidence utilisent pour se rendre à l’Hôpital Santa Cabrini, dans Rosemont. PHOTO MARTIN ALARIE

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