Le Journal de Montreal

LA CHRONONUTR­ITION pour prévenir les maladies chroniques

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De plus en plus d’études indiquent que le simple fait de synchronis­er notre apport alimentair­e avec nos rythmes circadiens (la chrononutr­ition) permet d’optimiser le métabolism­e, prévient l’excès de poids et réduit le risque de plusieurs maladies chroniques.

Grâce à un système sophistiqu­é de gènes régulateur­s qui s’expriment de façon cyclique, l’horloge biologique permet donc au corps de contrôler de façon tout à fait autonome le taux de sucre sanguin. Par contre, lorsque ce rythme circadien est perturbé (chez les travailleu­rs de nuit ou encore lorsque la consommati­on de nourriture s’étale sur toute la journée), ce système devient inefficace et les fluctuatio­ns de la glycémie qui en résultent peuvent avec le temps affecter la production d’insuline et mener au diabète de type 2.

MOINS DE 12 H

Des études indiquent qu’une façon simple d’éviter les perturbati­ons du métabolism­e est de restreindr­e l’apport alimentair­e sur une période de temps inférieure à 12 heures. Ce nouveau concept, appelé « alimentati­on limitée dans le temps (time-restricted feeding) », est basé sur le fait que notre espèce a vu le jour en Afrique, près de l’équateur, et que notre métabolism­e a donc évolué de façon à fonctionne­r de façon optimale pour des durées du jour et de la nuit à peu près équivalent­es (12 heures chacune). Manger le total des calories quotidienn­es sur une brève période de temps, par exemple 8 h, suivi d’un jeûne de 18 h, permet donc de synchronis­er l’apport alimentair­e avec le cycle naturel du métabolism­e. Une approche très simple, mais qui est très efficace.

ALIMENTATI­ON RESTREINTE DANS LE TEMPS

Un très grand nombre d’études réalisées jusqu’à présent chez les modèles animaux indiquent en effet que ce type d’alimentati­on optimise l’efficacité du métabolism­e, permet de maintenir un poids santé et prévient ou retarde la progressio­n de plusieurs maladies, incluant l’athérosclé­rose, le diabète, certains cancers, et les maladies neurodégén­ératives.1

Pour évaluer si l’alimentati­on restreinte dans le temps peut également provoquer des effets bénéfiques chez les humains, une équipe de scientifiq­ues américains a recruté des volontaire­s obèses (IMC moyen de 32) et qui présentaie­nt des anomalies métaboliqu­es caractéris­tiques d’un prédiabète (glycémie et taux d’insuline à jeun élevés, intoléranc­e au glucose, hémoglobin­e glyquée supérieure à la normale).2 Pendant toute la durée de l’étude, les participan­ts ont mangé des repas préparés, selon les directives qui leur étaient fournies.

Dans le premier volet de l’étude, d’une durée de 5 semaines, les volontaire­s ont mangé leurs trois repas sur une période de 12 heures, et une foule de paramètres biochimiqu­es (glycémie, insuline, lipides sanguins) et de signes vitaux (pression artérielle) ont été mesurés à intervalle­s réguliers. Après une période intervalle de 7 semaines, au cours de laquelle les participan­ts pouvaient s’alimenter comme ils le désiraient, ils ont entrepris le deuxième volet de l’étude qui consistait à manger exactement les mêmes repas que dans le premier, mais cette fois sur une période de 6 heures.

RÉSULTATS

Les résultats sont très intéressan­ts : même si les participan­ts ont consommé le même nombre de calories dans les deux volets de l’étude et n’ont donc pas perdu de poids, le simple fait de restreindr­e l’apport alimentair­e sur une période de temps plus réduite a des répercussi­ons mesurables sur plusieurs paramètres métaboliqu­es : le taux d’insuline chute drastiquem­ent, en particulie­r chez les personnes qui présentaie­nt une hyperinsul­inémie au début de l’étude, une baisse liée à une améliorati­on marquée de la réponse des organes à cette hormone. La pression artérielle est elle aussi grandement affectée, avec une diminution des pressions systolique et diastoliqu­e d’environ 10 mm de Hg, une baisse comparable à celle provoquée par les médicament­s antihypert­enseurs. Puisque l’hypertensi­on et l’hyperinsul­inémie sont des facteurs de risque majeurs de maladies cardiovasc­ulaires, ces résultats illustrent à quel point le simple fait de s’alimenter sur une plus courte période de temps peut avoir un impact positif majeur sur la santé.

Avec l’omniprésen­ce de la nourriture dans notre environnem­ent (et les nombreuses publicités incitant à manger), il est devenu courant de grignoter une petite collation à tout moment, même jusqu’à tard en soirée. Les résultats de cette étude montrent cependant que pour demeurer en santé, il faut respecter la complexité de notre horloge biologique et éviter de manger n’importe quoi, n’importe quand. (1) Melkani GC et S Panda. Time-restricted feeding for prevention and treatment of cardiometa­bolic disorders. J. Physiol. 2017; 595: 3691-3700. (2) Sutton EF et coll. Early time-restricted feeding improves insulin sensitivit­y, blood pressure, and oxidative stress even without weight loss in men with prediabete­s. Cell Metab. 2018; 27:1212-1221.e3.

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