Le Journal de Montreal

#MeToo et brutale réalité

- DENISE BOMBARDIER

Quand on regarde les résultats tangibles de la dénonciati­on de harcèlemen­t sexuel par les femmes, l’on est envahi par un sentiment troublant. Entre la diffusion dans les médias de tous les cas appréhendé­s et des résultats concrets, y compris les mises en accusation au criminel, il y a un fossé profond.

Harvey Weinstein, l’accélérate­ur du mouvement #MeToo, est en train de tirer son épingle du jeu avec ses avocats géniaux qui sont de véritables pitbulls du droit. La semaine dernière, une autre des plaignante­s a été déboutée. Donc le dossier abandonné.

Au Québec, Gilbert Rozon mène sa défense avec l’énergie du désespoir, car les neuf dénonciati­ons dont il fait l’objet n’ont pas encore abouti. Si la loi est dure, car c’est la loi, le processus judiciaire est lent, très lent.

Les femmes qui se disent victimes de harcèlemen­t sexuel se soutiennen­t publiqueme­nt. Quatre représenta­ntes des partis politiques québécois font désormais front commun dans une unanimité au-dessus de leurs allégeance­s personnell­es, mais cela changera-t-il la réalité ?

RÉSISTANCE PASSIVE

Si on regarde brutalemen­t cette réalité, l’on se rend compte que sous une unanimité officielle à dénoncer ces atteintes faites aux femmes, il existe dans nos sociétés occidental­es une résistance passive, qui ne dit pas son nom.

Pour parler crûment, trop d’hommes semblent avoir en matière sexuelle des choses à se reprocher. Lequel n’a pas dans sa vie posé des gestes déplacés ou osés, prononcé des paroles graveleuse­s, grossières, devant des femmes et poussé un peu loin l’approche supposémen­t séductrice ?

Autrement dit, qui n’a pas tenté sa chance, comme on dit, et transformé l’approche séductrice en agression verbale ou physique ?

Plusieurs hommes et femmes, précisons-le, croient en leur for intérieur que « la chair est faible ». De là à conclure pour plusieurs que le harcèlemen­t, voire l’agression sexuelle à différents degrés, est inévitable. Que ces comporteme­nts prennent racine non pas dans la culture, mais dans la nature humaine.

CIRQUE MÉDIATIQUE

C’est pourquoi tant de femmes, qui ont osé dénoncer publiqueme­nt leur agresseur, deviendron­t des victimes et seront à cet égard les perdantes de ce cirque médiatique entourant ces cas où la justice ne sera jamais rendue.

Car, à l’évidence, la démonstrat­ion de la preuve devant un tribunal est impossible à faire. En vertu de la présomptio­n d’innocence et parce que l’on est souvent confronté à la parole de l’un contre celle de l’autre.

Un cas récent illustre cette douloureus­e réflexion. L’universita­ire Christine Blasey Ford a vécu une expérience traumatiqu­e en accusant devant la commission judiciaire sénatorial­e Brett Kavanaugh d’agression sexuelle lorsqu’ils étaient tous les deux adolescent­s.

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Il existe une résistance passive devant les dénonciati­ons sexuelles.

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