Une arme à double tranchant
Tenter de négocier en public une baisse de taxes, comme l’a fait Joey Saputo, ne passe pas toujours bien
Si Joey Saputo voulait faire preuve de transparence en convoquant les journalistes à une table ronde, vendredi, l’objectif est atteint. Mais ces sorties publiques sont aussi dangereuses à bien des égards.
C’est cyclique chez l’Impact de faire ce genre de sortie où on fait le constat que les choses ne vont pas comme désiré. Qui ne se souvient pas du fameux « buzz » qui n’était plus là avant le début de la saison 2015 ?
Mais pour un spécialiste du marketing sportif, la formule retenue par le président de l’Impact a été la bonne.
« Je ne sais pas si c’est une bonne stratégie, mais le format en table ronde était très bien », estime Frank Pons, qui ajoute que c’est une pratique courante chez les clubs européens.
Celui-ci est professeur titulaire au département de marketing de l’Université Laval et est directeur de l’Observatoire international en management du sport (OIMS).
« Son message se dilue un peu, ajoute-t-il. Les années précédentes, c’était vers le public qui ne prenait pas assez de billets en début de saison. »
ATTENTION
Selon M. Pons, le propriétaire de l’Impact joue possiblement à un jeu dangereux en profitant de cette rencontre pour se plaindre de son compte de taxes municipales trop élevé, d’autant qu’il a reçu une baisse de 25 % l’an dernier.
« C’est paradoxal parce qu’il a déjà eu de très bons breaks de taxes dans les années passées. Et pour avoir suivi la construction du Audi Field à Washington, il n’a pas obtenu un si mauvais deal à Montréal », estime le professeur.
« Ce n’était pas le meilleur endroit pour parler de ça, croit-il. Ce n’est pas la meilleure manière d’attirer la sympathie du public, on a tous des problèmes de taxes. »
M. Pons croit de plus que Joey Saputo n’envoie pas le bon message s’il souhaite attirer davantage la communauté d’affaires montréalaise.
« C’est un discours qui n’encourage pas la communauté d’affaires à s’impliquer. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas positives dans ces sorties-là.
« Et s’il souhaite trouver un éventuel partenaire d’affaires, il doit attirer des investisseurs qui vont penser MLS et qui sont prêts pour un projet à long terme. En MLS, les propriétaires ne sont pas pressés de passer à la caisse », souligne M. Pons en rappelant que Joey Saputo a décuplé son investissement initial de 40 M$ US puisque selon Forbes, l’équipe valait 175 M$ en 2016.
MANQUE DE COHÉSION
Très au fait de la réalité de la MLS, Frank Pons estime que l’Impact a du mal à négocier le virage 2.0 de la ligue.
« Il y a un manque de planification stratégique dans le business. On est en réaction plutôt que d’être proactif. Je cherche toujours à comprendre de manière claire le positionnement de la marque.
« Il n’y a pas de cohérence, on ne va pas en ligne droite, c’est toujours de gauche à droite. »
Il cite notamment le souhait de la direction de passer de 9000 à 13 500 abonnés de saison, alors qu’une importante hausse du prix des billets a été annoncée à la fin de l’été.
« Je trouve ça très ambitieux de passer de 9000 à 13 500, surtout qu’il y a eu une augmentation de prix qui a été mal communiquée. »
VISION COMMUNAUTAIRE
La principale erreur de l’Impact, selon Frank Pons, aura été de ne pas bien définir son produit et sa marque lors de l’entrée dans la MLS, en 2012.
« Au moment de l’installation de la franchise, il y a eu un vent d’optimisme, comme ça arrive souvent. On a cru que les fans allaient sauter sur le produit.
« En MLS, pour avoir du succès, il faut être collé sur le marché local parce que les revenus viennent en grande partie du local. On ne change pas de fusil d’épaule toutes les années ou tous les six mois.
« Ce qui me dérange avec l’Impact, c’est que la plupart des équipes qui s’implantent ont un objectif défini de coller avec la communauté. C’est difficile de revenir par la suite quand on n’a pas une stratégie claire de comment on développe ça dans la communauté. »