Le pays a manqué de courage, soutient Justin Trudeau
Il a fait des excuses officielles aux réfugiés juifs que le Canada a refusé d’aider
OTTAWA | Plus jamais le Canada ne manquera de courage et d’humanité comme cela a été le cas lorsque le gouvernement a refusé d’accueillir des juifs fuyant le régime nazi, a promis Justin Trudeau.
Le premier ministre a offert les excuses officielles du pays à la communauté juive hier aux Communes, devant des députés solennels et des survivants de l’Holocauste.
« De porter une telle haine et une telle indifférence face à des réfugiés, c’est partager la responsabilité morale de leur mort. Bien que des années ont passé depuis que nous avons tourné notre dos aux réfugiés juifs, le temps n’a aucunement absous le Canada de sa culpabilité et diminué le poids de sa honte », a déclaré M. Trudeau.
Quelques mois avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le Canada a refusé d’accueillir en 1939 les quelque 900 juifs allemands à bord du navire MS St-Louis qui fuyaient la montée du nazisme.
Contraints de rentrer en Europe, bon nombre d’entre eux sont plus tard morts dans des camps de concentration.
M. Trudeau s’est excusé pour le sort qu’ils ont subi, ainsi que pour l’ensemble des juifs que la nation a refusé d’aider à l’époque.
Le Canada a « failli misérablement, a regretté M. Trudeau. Il existe peu de doute que notre silence a permis aux nazis de parvenir à leur “solution finale”, à ce qu’ils appelaient “le problème juif”. »
Il en a aussi profité pour avertir que l’antisémitisme et la xénophobie existent toujours. Il a promis de les combattre, en utilisant « l’éducation, notre plus puissant outil contre l’ignorance et la cruauté qui ont attisé l’Holocauste ».
Ses propos ont trouvé écho chez les oppositions, mais aussi chez la seule survivante canadienne de la traversée fatidique du MS St-Louis.
LEÇONS À TIRER
« Nous devons nous souvenir de l’histoire, ne jamais oublier et essayer que ça ne se répète jamais », a témoigné Ana Maria Gordon, 83 ans.
« Je pense que c’est très significatif [ces excuses], dit celle qui avait 4 ans à l’époque. Je n’ai jamais pensé que ça arriverait. Tant d’années ont passé. »
Il s’agit d’un pas dans la bonne direction, c’est-à-dire se souvenir de ce qui s’est passé et d’en tirer des leçons. C’est d’autant plus important dans le climat actuel, selon elle.
Son fils, Daniel Gruner, acquiesce à ses côtés. « On entend parler d’intolérance, de haine, de fermer les frontières. C’est terrible, s’inquiète-t-il. Les gestes d’antisémitisme [...] les gestes anti-“autres” sont en hausse partout. »
PAS IMMUNISÉS
« Toute cette haine... », souffle Mme Gordon. Si le climat est bien moins pire au Canada qu’aux États-Unis par exemple, l’octogénaire est catégorique : « On n’est pas immunisés. »
Elle n’a plus de souvenir de la traversée, mais elle se rappelle ce qui a suivi pour elle et les siens. Rentrés en Europe, ses parents et elles se sont retrouvés en camps de concentration. C’est un « réel miracle » qu’ils y aient survécu tous les trois.
Après la guerre, Mme Gordon a habité le Mexique et les États-Unis avant de s’établir à Toronto en 2009.
« J’ai été un peu partout, lance-t-elle. C’est la meilleure chose qu’il pouvait m’arriver, d’être ici [à Ottawa pour les excuses] avec mes enfants et petits-enfants. »