Bravo si Legault lui a vraiment dit ça…
À la vérité, je ne m’attendais pas à ce que François Legault ose prendre la défense des Franco-Ontariens lors de sa rencontre avec Doug Ford.
À voir son plaisir à mordre dans les mots de la langue des affaires – « business », « deal that he can’t refuse » –, je croyais que, lors de cette conversation, seul l’argent pourrait s’exprimer (« money talks » !).
Finalement, semble-t-il, le premier ministre du Québec a été digne de sa fonction de seul chef d’un gouvernement en Amérique dont la majorité est francophone.
Si on se fie à ce qu’il en a rapporté lui-même, il aurait clairement exprimé sa « déception » au sujet les décisions mesquines que Doug Ford a prises à l’endroit de la minorité francophone.
Certes, nous n’étions pas dans la pièce. Et on sait que M. Legault, dans le passé, a eu tendance à mal interpréter, voire à infléchir les propos tenus lors de ce type de rencontre.
En 2017, il avait soutenu que la première ministre ontarienne d’alors, Kathleen Wynne, s’était montrée « ouverte » à son plan de « Baie-James du 21e siècle », ce que la principale intéressée avait vertement nié à deux reprises par la suite.
PEUPLES FONDATEURS
S’il dit vrai, M. Legault aurait aussi dénoncé la tendance de M. Ford de mettre sur un même pied une communauté issue d’un des peuples fondateurs de cette fédération, les Franco-Ontariens, avec n’importe quelle communauté ethnique.
La notion de « peuple fondateur » a du plomb dans l’aile, est presque devenue taboue. La formule multiculturaliste de Philippe Couillard « on est tous des immigrants » a fait des ravages...
Elle revient à nier des principes constitutionnels et sociologiques importants : notamment qu’il ne faut pas confondre, au Canada, les « minorités nationales » (dont les ancêtres formaient des sociétés avant d’être conquis) et les « minorités ethniques », formées au gré des migrations. Le penseur canadien-anglais Will Kymlicka a le mieux défendu cette distinction.
RÉCIPROCITÉ
Enfin, M. Legault aurait rappelé à son homologue que la minorité anglophone du Québec, elle, peut compter sur trois universités subventionnées et un Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise. Voilà qui est bien envoyé.
Cela me rappelle 1988. La Cour suprême venait de déclarer inconstitutionnel l’affichage unilingue français imposé par la loi 101.
À Queen’s Park, le premier ministre d’alors, David Peterson, avait eu l’impudence de mettre en garde le gouvernement de Robert Bourassa quant au traitement qu’il réserverait, dans la suite, à sa minorité anglophone.
Au sénat, l’ancien ministre conservateur Martial Asselin avait rétorqué à Peterson qu’il n’avait pas de leçon à donner. Il ajouta : « En Ontario, en 1988, les francophones se battent encore pour avoir un premier collège de langue française ». Oui, c’était il y a 30 ans ! Que M. Legault, aujourd’hui, rappelle la dissymétrie dans le traitement des minorités linguistiques ici et en Ontario – autre quasi tabou – était très important.