Le dilemme de Justin Trudeau
En officialisant son intention de réduire le seuil d’immigration à 40 000 pour 2019 – une baisse notoire de 24 % –, le nouveau premier ministre François Legault impose un virage majeur dans les rapports Québec-Ottawa. Son intention a beau être de « mieux » intégrer les immigrants en diminuant leur nombre, il n’en ignore pas moins l’impact politique concret.
Après les longues années de silence face à Ottawa sous messieurs Charest et Couillard, cette mise au jeu hâtive par M. Legault pose en effet un défi de taille à Justin Trudeau. Le Québec n’ayant compétence que sur l’immigration économique, pour réduire le nombre de réunifications familiales et de réfugiés, M. Legault doit obtenir l’imprimatur de M. Trudeau. Or, il est évident que ce dernier y est opposé.
ULTRA PRUDENTE
En même temps, à moins d’un an du scrutin fédéral, le premier ministre canadien n’a surtout pas besoin d’un conflit ouvert avec son homologue québécois. Encore moins sur une politique qui, selon un récent sondage CROP, aurait l’appui des deux tiers des Québécois.
La réaction ultra prudente de Dominic LeBlanc, ministre des Affaires intergouvernementales, en fait foi. Il s’assurait hier de bien répéter les mots « collaboration » et « conversation » tout en se limitant à se dire « déçu » de la proposition du gouvernement caquiste.
TERRAIN NATIONALISTE
Comme quoi, à Ottawa, on cherche à s’acheter du temps et à garder un ton civilisé. Pour M. Legault, la partie ne sera pas simple non plus. Oui, son annonce lui permet d’occuper pleinement le terrain « nationaliste ». Et si, par miracle, Justin Trudeau cédait, sa victoire politique serait marquante.
Mais si M. Legault échouait, il ferait face à son propre dilemme. Soit qu’il devrait s’avouer impuissant devant le fédéral. Soit qu’il devrait lui soumettre une revendication visant à faire de l’immigration une juridiction exclusive du Québec. Auquel cas, bonne chance !