Des médecins se disent victimes d’intimidation
Ils doivent parfois dépenser des millions de dollars pour obtenir raison en justice
Des docteurs dénoncent le « harcèlement » du syndic du Collège des médecins qui les poursuit à répétition pour des « technicalités », comme leur écriture illisible ou de la paperasserie administrative.
Pour la première fois au Québec, un groupe de sept médecins, dont quatre à visage découvert, a décidé de dévoiler ce qu’ils qualifient de « harcèlement institutionnel » du syndic du Collège des médecins.
Ils sont soutenus par la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et par la Fédération des médecins spécialistes (voir autre texte).
Ils sont conscients que le syndic doit protéger le public lorsque des médecins prennent des risques avec la santé des patients.
Mais ils se demandent pourquoi celui-ci s’en prend par exemple à un médecin qui remet des documents trop tard, alors qu’il est occupé à accoucher des patientes, comme c’est arrivé au Dr Gilles Mercier.
Après sa première radiation de deux mois en 2012 pour avoir remis des dossiers en retard, le syndic a vérifié ses dossiers à nouveau deux ans plus tard. Selon le médecin, sur les 12 dossiers analysés, 11 dataient de l’offense précédente.
Le Collège a décidé de le radier à nouveau pour trois mois, alors qu’il soutient avoir corrigé ses façons de procéder.
DES MILLIONS $
Au Collège des médecins, comme dans tous les Ordres professionnels du Québec, le syndic est responsable à la fois d’enquêter et de déposer une plainte auprès de l’Ordre. Un peu comme si les policiers enquêtaient, arrêtaient et poursuivaient les criminels.
Une fois la plainte déposée, la cause sera entendue au Conseil de discipline. Ce dernier est composé d’un avocat nommé par le gouvernement et de deux experts nommés par le conseil d’administration de l’Ordre.
Les médecins demandent un changement à la loi afin : √ qu’il y ait une instance indépendante où porter plainte si le syndic ne respecte pas un code d’éthique. Un peu comme la déontologie policière ; √ que la cause soit entendue
par un juge.
« Même la police a quelqu’un pour les surveiller. Les juges ont aussi le conseil de la magistrature pour les destituer, mais pas les syndics », a dit le Dr Albert Benhaim, qui a écrit un livre sur le sujet.
Pour porter leur cause devant une autre instance, les médecins qui se sentent lésés doivent entreprendre de coûteuses procédures judiciaires. Par exemple, l’orthopédiste Mario Giroux a dû dépenser 2 millions $ avant d’être blanchi après sept ans devant les tribunaux (voir autre texte).
ABUS SYSTÉMIQUE
Dans une lettre ouverte
titrée Abus de pouvoir et violence disciplinaire au sein des ordres professionnels, et envoyée au Collège des médecins le 16 novembre, le président de l’Association des psychologues du Québec, Charles Roy, affirme qu’il devrait y avoir un code d’éthique pour les encadrer.
« Les réputations sont détruites et les vies sont brisées, parfois même perdues dans ce bar ouvert d’intimidation », écrit-il.
« Le problème des abus disciplinaires existe dans plusieurs ordres professionnels et il est d’ordre systémique : c’est que personne ne surveille les surveillants. Nous sommes en présence d’un harcèlement de type institutionnel, car c’est l’ensemble de la justice disciplinaire qui vit au rythme de comportements abusifs et inacceptables », poursuit-il. (Lisez sa lettre ouverte au jdm.com) Le Collège des médecins et le Programme d’aide aux médecins du Québec ont refusé d’accorder une entrevue sur le sujet.