Des idées suicidaires à cause du système de paie Phénix
Une femme malade raconte avoir perdu foi en la vie quand le fiasco l’a touchée
OTTAWA | Le fiasco du système de paie Phénix a des répercussions importantes sur la santé mentale des fonctionnaires fédéraux touchés, en poussant certains au bord du suicide.
Déjà affligée par un cancer du sein, Marnie Pohlmann a commencé à avoir des pensées suicidaires lorsque ses ennuis avec Phénix sont apparus en 2016. À ce moment, son conjoint, Walter, est lui aussi tombé gravement malade.
« J’ai perdu foi en la vie. Je n’avais pas envie de me battre, raconte en entrevue téléphonique l’adjointe administrative de 56 ans, qui habite en Colombie-Britannique. Les choses allaient de mal en pis, au point où j’étais prête à me suicider. »
Marnie Pohlmann avait si peur de commettre l’irréparable qu’elle redoutait les moments où elle se retrouverait seule, « même cinq minutes ».
HISTOIRES D’HORREUR
Mme Pohlmann a retrouvé sa foi, mais ses problèmes avec Phénix la hantent encore. « Je fais des cauchemars que je ne reçois pas ma paie et que je perds ma maison », confie-t-elle.
Environ la moitié des 300 000 fonctionnaires fédéraux ont eu des ennuis avec Phénix après son lancement en 2016. Certains ont dû déclarer faillite, et on ne compte plus les histoires d’horreur.
Mme Pohlmann a dû rembourser d’un coup quelque 16 000 $ en raison de trop-perçus, puisqu’elle recevait toujours son salaire durant son congé de maladie. Pour s’acquitter de la facture, son mari a vendu son véhicule et le couple a grugé une bonne partie de ses économies.
Durant sa rémission, l’assurance invalidité n’a pas été enclenchée à cause de Phénix. S’en est suivi une spirale bureaucratique pour obtenir son dû. Un dédale administratif que Mme Pohlmann, affaiblie physiquement et moralement, peinait à affronter.
Mme Pohlmann est loin d’être la seule fonctionnaire à avoir vécu de la détresse psychologique à cause de Phénix. Un message publié récemment dans un groupe Facebook dédié aux victimes du système de paie a beaucoup fait réagir. En plus de Mme Pohlmann, plusieurs fonctionnaires ont reconnu avoir broyé du noir dans les derniers mois.
En lisant les nombreux commentaires, Marnie Pohlmann dit avoir fondu en larme.
Certains messages laissés dans le groupe privé sur Facebook laissaient même entendre que des employés sont passés à l’acte.
Les syndicats et le gouvernement fédéral ont toutefois été incapables de confirmer l’occurrence de suicides. « Nous reconnaissons que les problèmes liés à la paie peuvent causer du stress aux employés », concède tout au plus le Secrétariat du Conseil du trésor, le ministère agissant à titre d’employeur.
La porte-parole d’un important syndicat n’est « pas surprise » des témoignages de détresse sur les réseaux sociaux. Mais Johanne Fillion se dit avant tout « troublée » par la situation.
CRI DU COEUR
Une autre responsable syndicale basée en Saskatchewan dit avoir reçu des appels d’employés suicidaires dans la dernière année. Un de ses collègues est même passé à l’acte, mais a survécu à sa tentative de suicide.
Elle même une victime de Phénix, la syndicaliste qui souhaite conserver l’anonymat se dit mal équipée pour venir en aide à ses collègues en détresse. Elle implore maintenant l’aide d’Ottawa.
« Ces personnes ont besoin d’aide professionnelle », laisse-t-elle tomber.