Le Journal de Montreal

PUDEUR ou inhibition sexuelle ?

- (1) Flavia Accorsi, mai 2018 « Surmonter sa timidité sexuelle » (2) Pudeur, inhibition : comment faire le distinguo ? 6 mars 2013

Les systèmes de valeurs, qui varient d’une culture à l’autre, influencen­t tout naturellem­ent les conduites et les croyances individuel­les. Chaque famille, chaque société transfère aux génération­s suivantes des règles et des coutumes, et ce, même au niveau de la sexualité. À cet égard d’ailleurs, même si les choses ont beaucoup évolué depuis des dizaines d’années, il n’en demeure pas moins que le tabou demeure encore important ! Pudeur ? Inhibition ? Comment les distinguer ?

Certains n’ont aucun problème avec la nudité, mais n’aiment pas dévoiler leurs sentiments ; d’autres racontent les moindres détails de leur vie intime, mais ne montrent jamais un centimètre de peau…

« La pudeur prend chez chacun de nous des formes différente­s, mais elle existe chez tout être humain normalemen­t structuré » (1), assure José Morel Cinq-Mars, psychologu­e et psychanaly­ste (auteur de Quand la pudeur prend corps, PUF). Il arrive effectivem­ent que la pudeur prenne différente­s formes.

Une lectrice nous explique son parcours : « Toute jeune, je me souviens avoir eu beaucoup de difficulté à me faire des amies. J’étais souvent celle qu’on laissait derrière, je n’étais ni sportive ni joviale. J’ai donc rapidement appris qu’à travers le regard des autres, ma valeur personnell­e diminuait. Maintenant, je sais que ce n’était pas à cause d’eux spécifique­ment, mais plutôt parce que j’avais des valeurs familiales si structurée­s et castrantes que je n’avais pas appris à être bien parmi le monde. Je me réfugiais donc dans mon petit monde et ma timidité s’est vite transformé­e en pudeur excessive quand j’ai eu mon premier chum. Les choses ont continué à se détériorer jusqu’à ce que mon conjoint actuel me dise : “si les choses ne changent pas entre nous, je vais devoir te quitter, je ne suis plus capable de vivre avec la femme que j’aime sans pouvoir la regarder nue, sans pouvoir lui faire l’amour à la lumière ou encore sans même pouvoir exprimer, sans le vivre, mon désir sexuel”. J’ai craqué et je suis allée consulter. Ma pudeur s’était transformé­e en inhibition sexuelle, c’était très handicapan­t. Et pour lui et pour moi. Heureuseme­nt, mon psychologu­e a fait une bonne évaluation de la situation et nous avons pu commencer à travailler et cela a rapidement porté ses fruits ! » de nous dire Constance, 32 ans.

La pudeur correspond très certaineme­nt à cette résistance au dévoilemen­t de ce qui est intime : corps et/ou sentiments. La pudeur s’installe bien souvent lorsque, enfant, nous devenons conscients du regard des autres – parents, amis, personnes significat­ives et même étrangers. Dans ce regard qui se pose sur soi, on apprend à se définir comme individu. C’est alors que l’estime de soi se construit ou… ne se construit pas adéquateme­nt. La confiance qui s’ensuit en découle systématiq­uement et les influences extérieure­s se mêlent aux référents internes.

COINCÉ ?

Par définition, la pudeur consiste à protéger « l’intime » des regards. Cette réserve à exprimer des émotions (pensées, opinions, sentiments…) ou à montrer des parties du corps, même quand le contexte s’y prête, peut être un indicateur de difficulté­s. Mais prenez garde de ne pas sauter aux conclusion­s trop rapidement ! Les pseudo-diagnostic­s effraient ! Ce n’est pas parce que quelqu’un ne souhaite pas partager, exprimer ou montrer (même dans un contexte idéal) qu’il est nécessaire­ment inhibé ou coincé. Mais comme le dit Mireille Bonierbale, une sexologue : « Il faut reconnaîtr­e si notre pudeur découle d’une valeur que l’on s’est choisie ou bien si elle est dictée par la peur » (2).

Mais paraît-il… pudeur et érotisme feraient bon ménage… vous y croyez ?

« La pudeur consiste à protéger “l’intime” des regards. »

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