PUDEUR ou inhibition sexuelle ?
Les systèmes de valeurs, qui varient d’une culture à l’autre, influencent tout naturellement les conduites et les croyances individuelles. Chaque famille, chaque société transfère aux générations suivantes des règles et des coutumes, et ce, même au niveau de la sexualité. À cet égard d’ailleurs, même si les choses ont beaucoup évolué depuis des dizaines d’années, il n’en demeure pas moins que le tabou demeure encore important ! Pudeur ? Inhibition ? Comment les distinguer ?
Certains n’ont aucun problème avec la nudité, mais n’aiment pas dévoiler leurs sentiments ; d’autres racontent les moindres détails de leur vie intime, mais ne montrent jamais un centimètre de peau…
« La pudeur prend chez chacun de nous des formes différentes, mais elle existe chez tout être humain normalement structuré » (1), assure José Morel Cinq-Mars, psychologue et psychanalyste (auteur de Quand la pudeur prend corps, PUF). Il arrive effectivement que la pudeur prenne différentes formes.
Une lectrice nous explique son parcours : « Toute jeune, je me souviens avoir eu beaucoup de difficulté à me faire des amies. J’étais souvent celle qu’on laissait derrière, je n’étais ni sportive ni joviale. J’ai donc rapidement appris qu’à travers le regard des autres, ma valeur personnelle diminuait. Maintenant, je sais que ce n’était pas à cause d’eux spécifiquement, mais plutôt parce que j’avais des valeurs familiales si structurées et castrantes que je n’avais pas appris à être bien parmi le monde. Je me réfugiais donc dans mon petit monde et ma timidité s’est vite transformée en pudeur excessive quand j’ai eu mon premier chum. Les choses ont continué à se détériorer jusqu’à ce que mon conjoint actuel me dise : “si les choses ne changent pas entre nous, je vais devoir te quitter, je ne suis plus capable de vivre avec la femme que j’aime sans pouvoir la regarder nue, sans pouvoir lui faire l’amour à la lumière ou encore sans même pouvoir exprimer, sans le vivre, mon désir sexuel”. J’ai craqué et je suis allée consulter. Ma pudeur s’était transformée en inhibition sexuelle, c’était très handicapant. Et pour lui et pour moi. Heureusement, mon psychologue a fait une bonne évaluation de la situation et nous avons pu commencer à travailler et cela a rapidement porté ses fruits ! » de nous dire Constance, 32 ans.
La pudeur correspond très certainement à cette résistance au dévoilement de ce qui est intime : corps et/ou sentiments. La pudeur s’installe bien souvent lorsque, enfant, nous devenons conscients du regard des autres – parents, amis, personnes significatives et même étrangers. Dans ce regard qui se pose sur soi, on apprend à se définir comme individu. C’est alors que l’estime de soi se construit ou… ne se construit pas adéquatement. La confiance qui s’ensuit en découle systématiquement et les influences extérieures se mêlent aux référents internes.
COINCÉ ?
Par définition, la pudeur consiste à protéger « l’intime » des regards. Cette réserve à exprimer des émotions (pensées, opinions, sentiments…) ou à montrer des parties du corps, même quand le contexte s’y prête, peut être un indicateur de difficultés. Mais prenez garde de ne pas sauter aux conclusions trop rapidement ! Les pseudo-diagnostics effraient ! Ce n’est pas parce que quelqu’un ne souhaite pas partager, exprimer ou montrer (même dans un contexte idéal) qu’il est nécessairement inhibé ou coincé. Mais comme le dit Mireille Bonierbale, une sexologue : « Il faut reconnaître si notre pudeur découle d’une valeur que l’on s’est choisie ou bien si elle est dictée par la peur » (2).
Mais paraît-il… pudeur et érotisme feraient bon ménage… vous y croyez ?
« La pudeur consiste à protéger “l’intime” des regards. »