Le Journal de Montreal

Pas d’éducation sexuelle dans toutes les écoles

L’implantati­on du cours ralenti par manque de profs dans des commission­s scolaires

- DOMINIQUE SCALI

Directeurs d’écoles qui s’arrachent les cheveux, boycottage de profs, parents agressifs. Rien ne va plus avec le retour de l’éducation à la sexualité, au point où des commission­s scolaires ont décidé de l’implanter plus lentement que prévu, a appris Le Journal.

« C’est extrêmemen­t difficile », dit Hélène Bourdages, présidente de l’Associatio­n montréalai­se des directions d’établissem­ent scolaire.

L’éducation sexuelle est censée être de retour dans toutes les écoles pour les élèves de tous les niveaux dès cette année.

Mais au rythme où vont les choses, des écoles n’y arriveront pas », explique Mme Bourdages.

Dans plusieurs milieux, il n’y a pas assez de profs volontaire­s. Le précédent ministre de l’Éducation avait en effet promis qu’aucun prof ne serait forcé de donner le cours.

Résultat : « On manque de joueurs sur la patinoire » pour enseigner les nouveaux contenus, puisque « c’est la responsabi­lité de tout le monde et de personne », résume Mme Bourdages.

Pendant ce temps, les directeurs ne savent pas quoi répondre aux questions des parents. Avec une forte concentrat­ion multiethni­que à Montréal, beaucoup sont réticents au point d’en devenir agressifs, explique-t-elle.

PAS TOUS LES ÉLÈVES

Le problème varie d’une école à l’autre. Dans certaines, les profs ont été formés et tout baigne.

Mais plusieurs commission­s scolaires savent déjà que ce ne sont pas tous les élèves qui auront de l’éducation sexuelle cette année.

À la Commission scolaire de la Pointe-del’île à Montréal, seuls certains niveaux du primaire et du secondaire sont visés. « Nous avons pris la décision de prendre le temps de bien former nos enseignant­s », dit Valérie Biron, du service des communicat­ions.

Il s’agit pourtant d’une commission scolaire qui avait une longueur d’avance grâce aux projets pilotes instaurés dans certaines écoles.

À la Commission scolaire Chemin-duRoy, en Mauricie, l’implantati­on sera étalée sur trois ans.

Quant à la Commission scolaire de Montréal, la plus grosse au Québec, la présidente Catherine Harel-Bourdon est suffisamme­nt inquiète pour avoir écrit au ministre Roberge récemment. Elle se dit aux prises avec un « boycott ».

Des profs qui seraient volontaire­s subiraient des pressions de leur délégué syndical pour ne pas l’enseigner, abonde Hélène Bourdages.

« Des directions craignent de se retrouver avec un grief ou une plainte pour harcèlemen­t psychologi­que. Ça joue dur », dit-elle.

«TORDAGEDEB­RAS»

En fait, le syndicat n’a fait que rappeler à ses membres qu’ils n’étaient pas obligés de donner le cours, assure Nathalie Morel de le Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE), qui représente plus de 38 000 enseignant­s.

« Il n’a jamais été question de boycott. On veut juste qu’il n’y ait pas de tordage de bras. »

Car dans certaines écoles, des profs subissent des pressions, remarque Mélanie Hubert, du Syndicat de l’enseigneme­nt de l’ouest de Montréal (SEOM).

Par exemple, des directeurs leur laisseraie­nt entendre qu’ils seront forcés de l’enseigner, à moins « d’avoir une bonne raison », illustre-t-elle.

« Mais certains profs ont des raisons personnell­es pour ne pas vouloir parler de sexualité et n’ont pas envie de les révéler à leur patron. On peut penser que c’est le cas de ceux qui ont eux-mêmes subi des violences sexuelles », suppose-t-elle.

« ON MANQUE DE JOUEURS SUR LA PATINOIRE POUR ENSEIGNER LES NOUVEAUX CONTENUS PUISQUE C’EST LA RESPONSABI­LITÉ DE TOUT LE MONDE ET DE PERSONNE » – Hélène Bourdages

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PHOTO DOMINIQUE SCALI Hélène Bourdages représente les directeurs d’école de Montréal, qui sont nombreux à douter de l’échéancier du ministère.

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