Le Journal de Montreal

D’un milliard $ de VIA Rail ferait mal

Côté par la multinatio­nale allemande Siemens si cette dernière l’emporte face à Bombardier

- FRANCIS HALIN

Des fournisseu­rs québécois de Bombardier craignent de perdre des millions de dollars si le géant allemand Siemens obtient le contrat d’un milliard $ du renouvelle­ment des trains de VIA Rail.

« C’est des millions annuelleme­nt qu’on va perdre en contrats. À l’usine, près de 35 % de nos employés travaillen­t sur ces projets-là », s’inquiète Éric Lord, président de LG Cloutier, qui fabrique des pièces métallique­s de trains, à L’Islet, près de Québec.

C’est d’ici Noël que l’on devrait savoir qui de Bombardier ou de Siemens mettra la main sur le lucratif contrat d’un milliard $ des trains VIA Rail du corridor Québec-Windsor.

Ottawa a déjà dit qu’il n’a pas l’intention d’intervenir pour forcer VIA Rail à favoriser la québécoise plutôt que l’allemande, qui veut fabriquer les 32 trains à Sacramento, en Californie.

Au moment où les Américains peuvent exiger jusqu’à 70 % de contenu local dans leurs contrats, le premier ministre du Québec, François Legault, estime que le gouverneme­nt de Justin Trudeau a le devoir d’imposer un minium de 25 %, d’autant plus que VIA Rail est une société fédérale.

« Les contrats importants d’acquisitio­n provenant de fonds publics devraient contenir des clauses d’achats locaux », tranche aussi le PDG de Sous-traitance industriel­le du Québec (STIQ), Richard Blanchet.

NUAGE NOIR

Déjà, un nuage noir plane sur la trentaine de fournisseu­rs québécois de trains de Bombardier, lesquels estiment être abandonnés par Ottawa qui refuse d’exiger un minimum de contenu local, pendant que les Américains ne se gênent pas pour le faire.

Pour le patron de LG Cloutier, Éric Lord, le jeu a assez duré. Le dirigeant de l’entreprise de 125 employés ne comprend pas comment les politicien­s osent dire qu’ils défendent les PME d’ici, tout en ouvrant la porte toute grande aux sociétés étrangères.

« Nos gouverneme­nts ne mettent pas leurs culottes pour dire c’est 15 %, 20 % ou 25 % de contenu canadien qu’il doit y avoir dans les contrats », s’insurge l’homme à la tête de la PME pour laquelle il oeuvre depuis une bonne trentaine d’années.

Sans exigence de contenu canadien, Éric Lord craint que 100 % du contrat de VIA Rail soit fait en Chine, au Mexique ou aux États-Unis.

« COMPLÈTEME­NT ABSURDE »

À La Pocatière, Bruno Morin, PDG de Graphie 222, qui fait des produits d’affichage, en veut lui aussi au gouverneme­nt Trudeau qui ne fait rien pour que les trains de VIA Rail soient construits ici. « C’est complèteme­nt absurde », lance-t-il.

Son entreprise d’une vingtaine d’employés, fondée en 1984, pourrait voir son chiffre d’affaires saigner de près de deux millions $ si VIA Rail tourne le dos à Bombardier.

Ces millions en moins iraient dans les coffres de ses concurrent­s comme la canadienne Internatio­nal Name Plate ou les américaine­s de l’Ohio Visual Marking System et Roemer Industries.

« Je me demande comment on fait pour relancer une économie quand on investit dans des projets qui ne sont pas faits chez nous. Pendant ce temps-là, il y a des gens qui vont être mis à pied parce que les contrats vont être faits ailleurs », affirme Bruno Morin.

DES MILLIONS EN MOINS

L’histoire se répète chez Métal Bernard, de Saint-Lambert-de-Lauzon, en Chaudière-Appalaches, qui verra son chiffre d’affaires fondre comme neige au soleil de plus de deux millions $ si VIA Rail boude Bombardier.

« C’est grave. L’heure est importante », se désole son PDG Louis Veilleux. « Quand ça touche nos clients par des décisions politiques, j’ai envie de ruer dans les brancards parce qu’on en paye des taxes, ce n’est pas bon pour notre économie », déplore-t-il.

Pire encore, M. Veilleux estime que l’inaction d’Ottawa risque de mettre carrément en péril un secteur qui pourrait avoir beaucoup de mal à se relever.

Selon lui, la perte de ces gros contrats fragilise nos PME. « C’est un drame », insiste-t-il. Une fois que ces emplois et que cette expertise seront perdus, il sera très difficile de les ramener, se désole-t-il.

« Moi, c’est clair que je ne prendrais plus jamais de trains de VIA Rail s’ils les achètent aux États-Unis », conclut-il.

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PHOTO STEVENS LEBLANC « Je suis Québécois et Canadien, et j’en suis fier. Pourquoi on irait enrichir le voisin quand on peut s’occuper de notre famille ? » se demande Louis Veilleux, président de Métal Bernard.
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PHOTO COURTOISIE, MAXIME PARADIS « De plus en plus, mes marchés se ferment à l’extérieur du pays. C’est ça qui freine la progressio­n de mon entreprise », regrette Bruno Morin, PDG de Graphie 222, à La Pocatière.

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